Numérisation S.P. 2003

 

 

Hygiène et physiologie du mariage

 

Histoire naturelle et médicale de l’homme et de la femme mariés,

dans ses plus curieux détails ;

Hygiène spéciale de la femme enceinte et du nouveau-né

 

Auguste Debay

 

(29ème édition : 1862)

 

 

 

Reproduction du chapitre XXII uniquement.

 


 

 

CHAPITRE XXII

 

 

De la flagellation comme moyen aphrodisiaque.

 

La flagellation, du mot latin flagellum, fouet, verge, consiste à frapper certaines parties du corps, soit avec des verges, soit avec un fouet à bouts de corde ou à lanière de cuir. Dans l’anaphrodisie et l’impuissance, la flagellation s’applique sur le dos, les jambes, les fesses et les cuisses, afin de déterminer l’afflux du sang à la peau et dans les muscles sous-cutanés ; la violente stimulation dont les parties flagellées deviennent le siège, gagne rapidement le système génital, au moyen de la communication qui existe entre les rameaux nerveux de la moelle épinière et ceux de ce système. Les Grecs et les Romains, qui connaissaient les propriétés de la flagellation, en usaient largement pendant les saturnales, où les deux sexes se fouettaient mutuellement pour mieux accomplir le doux mystère.

Hippocrate et Asclépiade préconisaient la flagellation contre beaucoup de maladies. Musa, médecin du siècle d’Auguste, et Galien faisaient marcher la flagellation avec le bain froid, pour guérir l’impuissance par suite de faiblesse ou d’inertie. Le poète Pétrone, à qui nous emprunterons tout à l’heure un passage, vantait la flagellation, et surtout l’urtication, comme un excellent procédé employé, par les débauchés de Rome, pour ranimer leurs forces amoureuses éteintes au milieu des orgies. – Arétée, Cælius Aurélianus, Rhazès et plusieurs autres grands praticiens citent dans leurs ouvrages des cures prodigieuses opérées par la flagellation. – Campanella rapporte l’exemple d’un prince qui ne pouvait s’acquitter du devoir conjugal envers sa femme qu’après s’être fait rudement fustiger ; un valet habile et vigoureux était chargé de cet important service. – Cælius Rhodigenus nous a raconté l’histoire d’un grand seigneur qui se servait du même procédé afin de pouvoir suffire aux exigences de son épouse. Il se faisait fouetter jusqu’au sang avant l’action, et si, quelquefois, par respect ou par pitié, le valet armé du fouet modérait les coups, le seigneur entrait en fureur, et ordonnait qu’on redoublât la fustigation jusqu’à ce qu’elle lui arrachât des cris de douleur ; alors seulement la partie génitale entrait en érection et pouvait satisfaire les désirs de sa femme et les siens. – Meïbomius, célèbre anatomiste, composa un poème sur la flagellation, dans lequel il engage fortement les impuissants à se faire fouetter s’ils veulent recouvrer leurs facultés viriles.

En résumé, la flagellation a été vantée par un grand nombre de médecins anciens et modernes, comme très efficace, non seulement dans l’atonie des organes génitaux, mais encore dans plusieurs affection de la peau et du tissu cellulaire sous-cutané ; ils prétendent même qu’elle est un puissant remède contre la maigreur, et l’ordonnent aux personnes maigres qui veulent acquérir de l’embonpoint.

Pour compléter l’histoire de la flagellation ; nous dirons un mot sur les processions des flagellants qui couraient les rues, il y a quelques siècles, en se frappant à coups de fouet. On ne saurait trop déterminer le but de ces pratiques empruntées aux lupercales de la Rome ancienne ; quelques rares apologistes affirment que c’était dans un but de piété ; mais les philosophes ont clairement démontré que, nées de l’ignorance et du fanatisme de ces époques, les processions des flagellants furent un sujet de désordres et de scandales. En effet, la flagellation étant reconnue comme un excitant génital des plus énergiques, n’était-il pas déraisonnable de laisser adopter cette coutume à des sectes religieuses qui faisaient vœu de chasteté ?

Ce fut en 1200 que la flagellation s’introduisit dans le culte catholique, et voici comment : un certain Rainier, touché des maux que répandaient sur l’Italie les factions des Guelfes et des Gibelins, et y voyant une punition de Dieu, crut qu’il pourrait désarmer la colère divine en se fouettant. La colère divine ?... n’est-ce point blasphème ou folie que de prêter à Dieu nos petites passions ? Aujourd’hui un homme de cet acabit serait enfermé aux petites-maisons ; le treizième siècle en fit un saint. Encouragés par l’exemple de Rainier, une foule de fanatiques se fouettèrent jusqu’au sang, et il n’y eut bientôt plus assez de verges pour fournir à la multitude des fouetteurs et des fouettés. C’est à dater de ce moment que s’organisèrent les sectes de flagellants qui couraient les rues en s’administrant la punition réservée aux écoliers récalcitrants. L’homme qui se distingua le plus dans cette bizarre pratique fut, sans contredit, saint Dominique, dit l’encuirassé. Ce bienheureux se fouettait non seulement pour son compte, mais encore pour celui des autres. Jacques Boileau, auteur d’un ouvrage sur les flagellants, imprimé en 1700, calcule ainsi le nombre de coups de fouet que s’administrait journellement Dominique l’encuirassé : on croyait alors que cent ans de pénitence pouvaient se racheter par vingt psautiers accompagnés de coups de fouet. Trois mille coups valaient un an de pénitence ; les vingt psautiers faisaient trois cent mille coups, à raison de mille coups par dizaine de psaumes. Dominique accomplissait cette pénitence de cent ans en six jours, et rachetait ainsi les péchés du peuple. On dit que cette flagellation continuelle rendit la peau du saint aussi noire que celle d’un nègre. – Le père J. Boileau, tout en admirant la constance du saint, et le mépris de la douleur qu’affichaient les flagellants, avoue cependant que la flagellation contribua pour beaucoup au relâchement des mœurs. Il paraîtrait, d’après les chroniques assez plaisantes de ces temps, que l’Église proclama la flagellation comme chose pieuse et acte de pénitence ; les faits suivants prouveraient aussi qu’elle s’en servit comme du moyen le plus expéditif pour purifier les pécheurs.

Un père cordelier donna le fouet en plein midi à un docteur en théologie qui avait eu l’impertinence d’émettre, en chaire, une opinion opposée aux croyances reçues ; et les femmes présentes à cette fustigation criaient : « Père cordelier, ajoutez quatre coups de fouet pour chacune de nous. »

Un dévot qui avait accompagné sa femme à confesse, voyant que le confesseur la menait derrière le confessionnal pour la flageller, s’écria : « Mon père, elle est très délicate, la pécheresse ; je recevrai la discipline à sa place, si vous voulez bien le permettre. » Aussitôt le bonhomme se mit à genoux, et le confesseur fit son office. Pendant qu’on fouettait son mari, la femme criait : « Frappez fort, mon père, frappez longtemps, car je suis une grande pécheresse. »

Plusieurs princes et hauts personnages s’étant plaint des scandales auxquels donnaient lieu les sectes de flagellants et les flagellations particulières, le pape Clément VI défendit expressément les flagellations publiques. Il faut croire que ceux qui avaient goûté du fouet ne pouvaient plus s’en passer, puisque, malgré les défenses souvent renouvelées, la flagellation secrète continua toujours. Ce ne fut que bien longtemps après, que les censures des prélats et les ordonnances de police très sévères abolirent enfin cette dangereuse et criminelle manie.

Aujourd’hui la flagellation n’existe plus que comme moyen hygiénique et thérapeutique : elle est en usage chez différents peuples, les Chinois, les Perses, et particulièrement chez les Russes. Ces derniers se font fouetter dans le bain avec des verges de bouleau, afin de se procurer une réaction salutaire. Les individus qui ont la peau endurcie par l’abus du fouet font tremper des verges dans du vinaigre, et, sous le piquant de cet acide, retrouvent leur sensibilité émoussée. On dit même qu’en Moscovite, une fois la première jeunesse passée, hommes et femmes ont besoin du fouet poux s’exciter à l’amour. Le fouet devient alors un ustensile de ménage, duquel il serait difficile de se passer. Voici une anecdote qu’on cite à ce sujet :

Un Allemand s’étant fixé à Moscou, s’y maria. Passionnément épris de sa femme, il n’épargna rien pour s’en faire aimer ; mais tous ses efforts furent inutiles ; toujours indifférente aux caresses de son mari, elle n’y répondait que par des soupirs et des larmes.

L’Allemand lui demanda un jour la cause de sa froideur, de sa tristesse, et la pria si instamment qu’elle lui répondit en sanglotant : – « Pourquoi feindre de m’aimer ? Crois-tu me cacher que je suis vile à tes yeux ?... » – Étonné de ce langage, le mari la pressa de lui dire en quoi il avait pu l’offenser. – Celle-ci, redoublant ses pleurs, ajouta : – « Puisque tu feins de l’ignorer, où sont donc les verges avec lesquelles tu dois me prouver ta tendresse et me la faire partager ; ne sais-tu pas que c’est, chez nous, l’unique moyen que doivent employer les hommes qui aiment véritablement leurs femmes ? »

Le bon Allemand resta stupéfait de cette singulière confidence, et eut beaucoup de peine à s’empêcher de rire. Cependant sa femme persistant à lui parler très sérieusement, il commença à croire que ce remède était nécessaire. Peu de jours après, il saisit un prétexte que lui fournit la mauvaise humeur de sa femme, et, s’armant d’une poignée de verges, il lui administra la fustigation qu’elle demandait. Le remède opéra merveilleusement, et, de ce jour, la femme partagea l’amour et les plaisirs de son époux.

On trouve dans Pline que Gallus, ami de Virgile, avait pour maîtresse une jeune Romaine tantôt indifférente et tantôt voluptueuse. Il se trouvait des jours où elle restait complètement insensible aux caresses amoureuses, tandis qu’en certains autres jours elle se montrait passionnée, délirante sous les baisers de son amant. Gallus, cherchant la cause de ce phénomène, découvrit que sa maîtresse n’était amoureuse que les jours où son père la faisait fouetter pour la punir de ses escapades. Gallus profita de cette découverte, et lorsque sa maîtresse arrivait chez lui froide, indifférente, il la stimulait par une vigoureuse distribution de coups de verges, et la rendait folle d’amour, ivre de plaisir.

J.-J. Rousseau avoue, dans ses Confessions, qu’étant fouetté par une demoiselle plus âgée que lui, le fouet l’excitait si violemment, qu’un jour celle-ci s’aperçut qu’il devenait homme, et s’abstint désormais de le fouetter.

La flagellation n’agit pas seulement sur celui qui la reçoit ; elle parait être encore un excitant pour celui qui la donne et la voit donner. Brantôme, dans la cynique simplicité de son style, nous apprend qu’il a « ouï parler d’une grande princesse qui, pour exciter sa lasciveté naturelle, faisait dépouiller ses femmes et filles les plus belles, ainsi que ses jolis pages, et se délectait fort à les voir tout nus ; puis elle les frappait ou les faisait frapper sur les fesses avec de grandes “claquades” et “blamuses” assez rudes ; et les filles qui avaient “délinqué” en quelque chose, avec de bonnes verges ; alors son contentement était de les voir remuer et faire des “tordions” de leurs corps et fesses, lesquelles, selon les coups qu’elles recevaient, montraient de bien étranges et de bien plaisants aspects. » – De nos jours, il est plus d’un riche vieillard et d’un libertin usé qui, dans le silence du secret, se servent de moyens semblables pour imprimer à leur nature baissante une stimulation passagère.

 

Manière de pratiquer la flagellation

 

Le meilleur instrument pour flageller avec fruit est celui dont se servent les Russes : les verges de bouleau. Le fouet à bouts le corde ou à lanières de cuir cingle trop lourdement, et son action, au lieu de produire une excitation passagère, peut causer des bleus, des meurtrissures profondes, et même déchirer la peau. – Les parties sur lesquelles doit s’opérer la flagellation sont les reins, les lombes et les fesses. Ces parties doivent être frappées à petits coups d’abord, puis on augmente graduellement de force, et on arrive enfin à frapper aussi violemment que le flagellé le désire. Nous avons dit que l’excitation produite sur les nerfs cutanés et sur ceux de la moelle épinière se communiquait rapidement aux nerfs des organes génitaux, et que ceux-ci, entrant en action, permettaient à l’homme de consommer l’acte conjugal et d’espérer une progéniture.

Cette excitation est d’autant plus complète que la flagellation est mieux pratiquée. – On conseille aux impuissants d’user de la flagellation au sortir du bain, parce que la peau est plus souple et plus sensible ; on leur conseille aussi de la faire pratiquer par une femme, afin d’obtenir en même temps une stimulation physique et morale.

 

De l’urtication.

 

Tout le monde connaît les effets de l’urtication sur la peau ; il naît sur la partie frappée ou piquée par l’ortie de petites vésicules blanches ; une vive démangeaison se développe. le pourtour des vésicules rougit, s’enflamme et devient le siège d’une chaleur mordicante ; puis, au bout d’un certain temps, l’irritation se dissipe et la peau revient peu à peu à son état naturel.

Pour trouver l’explication de ce phénomène, le physiologiste s’est armé d’un bon microscope et a vu que les poils fins dont la feuille d’ortie est hérissée sont autant de petits tuyaux qui aboutissent à de petites glandes ou utricules contenant une liqueur âcre et caustique. Ces poils, très acérés, s’enfoncent dans la peau, s’y rompent, et laissent écouler leur liquide irritant, qui occasionne presque aussitôt le phénomène de l’urtication.

On voit, d’après cela, qu’entre la flagellation et l’urtication il existe cette différence, que la première agit extérieurement et que l’afflux du sang à la peau est déterminé par la percussion, qui va souvent jusqu’à la meurtrissure, et quelquefois jusqu’à l’attrition de la partie ; tandis que l’urtication agit intérieurement par l’irritation que produit dans le tissu cutané la liqueur âcre des poils de l’ortie ; cette irritation est d’autant plus vive qu’il y a eu plus de poils d’ortie brisés et de liqueur versée dans l’épaisseur de la peau.

Si l’urtication fut, de tout temps, employée pour favoriser certaines éruptions cutanées dont le retard ou le développement difficile, incomplet, amène toujours de graves désordres dans l’économie, elle fut encore plus généralement dirigée contre l’impuissance pour cause d’atonie des organes génitaux. Elle s’applique directement sur les parties sexuelles ; ce qui ne pourrait se faire de la flagellation, à cause de la délicatesse et de la grande sensibilité de ces parties. Ensuite, où trouver un stimulant local plus prompt et aussi énergique ? À peine l’organe a-t-il été urtiqué, que le sang y afflue en abondance, il s’échauffe, entre en turgescence et devient propre à consommer l’acte auquel la nature l’a destiné.

L’urtication se fait avec des orties vertes fortes et vigoureuses ; on choisit, de préférence, l’ortie grièche ou petite ortie, parce qu’elle offre des poils plus nombreux, plus acérés et des glandes contenant un liquide plus âcre. On frappe vivement et en tous sens sur la partie, jusqu’à ce qu’une cuisson brûlante s’y développe ; on cesse alors et on attend le résultat. Il est rare que cette opération bien faite ne produise point une érection passagère, et si l’on a soin de la renouveler de temps à autre, elle dilate les corps caverneux par le sang qu’elle y amène et finit par restituer la fonction érectile qui était perdue.

Nous terminons ce chapitre par un passage de Pétrone, qui ne laisse aucun doute sur l’efficacité de l’urtication :

« Cette partie de mon corps, par laquelle j’étais autrefois un Hercule, tomba morte et plus froide que la glace ; elle semblait retirée au fond de mes entrailles, lorsque Énothée, prêtresse de Vénus, armant ses mains d’une poignée d’orties vertes, m’en frappa légèrement, et la partie défaillante reprit tout à coup sa première vigueur. »

 

 

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Selon l’édition      E. Dentu, Libraire-éditeur, 29ème édition, Paris, 1862.

 

Note                       Seuls quelques détails de mise en page et de ponctuation ont été modernisés.

                               Édition originale datée de 1848.

 

Un exemplaire de l’édition 1873 figure à la Bnf :

( cote : 8-Z R ROLLAND-6900, Tolbiac – Rez-de-jardin – Magasin )

 

Un exemplaire de l’édition 1885 figure à l’Université de Rennes :

( cote : FNRM - 76212 )

 

 

 

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