Numérisation S.P. 2003

 

L’ANTI-MOINE

 

OU

 

CONSIDÉRATIONS POLITIQUES,

Sur les Moyens et la Nécessité d’abolir

LES ORDRES MONASTIQUES

EN FRANCE

 

Marc-Ferdinand Groubentall de Linière

(1790)

 

 

D’après l’édition de 1790, [s.l.]

 

  L’orthographe et la ponctuation d’origine ont été respectées. Quelques « [sic] » posés çà et là rappelleront au lecteur notre souci d’éviter les fautes de frappe. Merci de nous pardonner ou de nous signaler celles qui nous auront échappé.

 


[p. 76]

  

TABLE DES MATIÈRES

 

Avant-propos.                                                                                                                                                                             5

Lettre de M. C***.                                                                                                                          9

INTRODUCTION.                                                                                                                         11

De l’origine des Ordres monastiques.                                                                                                                           13

De l’utilité politique et morale des moines, considérés quant à la Religion.                                               22

De l’utilité politique et morale des moines, considérés quant aux mœurs.                                     33

De l’utilité politique et morale des moines, considérés quant à l’État et quant à la société.              45

Nécessité de l’abolition des maisons religieuses.                                                                                                    57

Des moyens de supprimer les maisons religieuses.                                                                                               63

 

Cet Ouvrage se trouve à PARIS, Chez tous les Marchands de Nouveautés.

 

  


[p. v]

 

AVANT-PROPOS.

 

Des considérations personnelles et particulières me firent naître en 1779 la première idée de l’ouvrage qu’on va lire : je fis en conséquence un premier travail ; des considérations politiques m’obligèrent ensuite d’y donner plus de développement et d’extension ; je le refondis en entier : mais les motifs qui m’avoient obligé de me livrer à ce travail, ne pouvant plus avoir l’effet que je m’en étois promis, je le discontinuai sans y renoncer, jusqu’à ce que de nouvelles circonstances me missent à même de le perfectionner utilement ; et ce n’est qu’au mois de Janvier 1787, que j’ai cru devoir y mettre la dernière main.

 

[p. vi]

Les personnes sensées et désintéressées seront, j’espère, forcées de convenir et de la vérité des faits que j’avance, et de la certitude des conséquences que j’en déduis. Je connois à fond le vice des Institutions Monastiques, et ma sensibilité s’exhale chaque jour sur le sort malheureux des victimes que renferment les Couvens en général, et plus particulièrement ceux des femmes.

 

A l’égard des personnes intéressées, mais de bonne foi, je ne doute point qu’en réfléchissant sur tout ce que j’avance, elles ne reconnoissent enfin l’erreur grossière dans laquelle on a si long-tems existé sur la prétendue béatitude des Maisons Monastiques et sur la prétendue sainteté de ces institutions.

 

[p. vij]

Les dévots qui ne connoissent que la Religion épurée, conviendront avec moi, qu’on trouve par-tout son salut quand on le veut, mais bien plus sûrement dans le monde que dans le cloître, où les privations dont on fait une vertu, ne sont que l’effet de la force majeure qui empêche de s’abandonner au vice : ils conviendront que les considérations purement mondaines, fournissent aux Couvens plus de sujets que le zèle pour la Religion et l’amour de la vertu.

 

Les Politiques conviendront et de l’inutilité absolue des Maisons Monastiques, et de la nécessité pareillement absolue de leur suppression.

 

Enfin, le public ne verra dans cette destruction que le bien particulier des individus et le bien général de la société.

 

[p. vlij]

Quant à moi, je désire pouvoir réunir tous ces suffrages à la fois, et mériter la reconnoissance et les bénédictions de tous les Êtres que je tâche de rendre à l’Humanité.

 

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[p. ix]

 

 

LETTRE DE M. C***.

Ce Dimanche 19 Avril.

Ma première réponse, Monsieur, a été la réserve ; ma seconde sera la franchise.

J’ai lu avec toute l’attention dont je suis capable votre ouvrage sur les Moines. Vous les jugez en Citoyen sévère ; vous les réformez en homme juste ; vous les dédommagez comme vous pouvez. J’applaudis aux deux dernières parties de votre ouvrage, mais j’aurois désiré plus de bonté ou plus d’indulgence dans la première.

J’ai été Jésuite six ans, et dans ma plus tendre jeunesse : sans être initié aux mystères réels ou prétendus du Jésuitisme, j’ai été témoin des vertus les plus religieuses et des mœurs les plus pures. L’Ordre des Bénédictins a produit une multitude d’écrivains laborieux et d’érudits estimables. Les Oratoriens en comptent de célèbres, ne fut-ce que Massillon. Le reste ne vaut pas l’honneur d’être compté : cependant il n’est aucun ordre Religieux, même mendiant, qui n’ait ses savans, ses martyrs, ses docteurs en tout genre. Je ne fais pas ce dénombrement pour conclure à leur conservation ; mais pour vous inviter, Monsieur, à les satyriser avec plus de ménagement et à les détruire avec plus de douceur. Si quelque chose déshonore, dépare, défigure un État bien constitué, c’est le Monachisme. Il est [p. x] contre la Nature, contre la Religion, contre la Politique et contre la bienséance même. De toutes les mascarades, c’est la plus ridicule ; de toutes les barbaries, c’est la plus grossière : enfin ils sont pour le Catholicisme ce que les Castrati sont pour l’Humanité, un peuple stérile et un scandale fécond. Malgré tout cela, comme il se trouve parmi eux des talens, des vertus, des sages et des innocens, je crois, Monsieur, que vous pourriez dénoircir leur tableau sans craindre d’embellir leur figure. Tout ce qui est relatif à leur destruction et à leur emploi, m’a paru bien saisi et très-bien développé.

Agréez, Monsieur, l’hommage que je dois à vos lumières que j’ai vues, et le respect que je dois sans doute à votre nom que j’ignore.

 

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[p. 11]

 

L’ANTI-MOINE

 

OU

 

CONSIDÉRATIONS POLITIQUES,

Sur les Moyens et la Nécessité d’abolir

LES ORDRES MONASTIQUES

EN FRANCE.

 

 

La saine Philosophie qui s’est insensiblement fait jour chez les Nations et qui, par degrés, est enfin parvenue à déchirer le bandeau de l’ignorance et de la crédulité superstitieuse qui couvroit les yeux de l’Europe entière, a démontré la nécéssité de l’abolition des Ordres Monastiques ; cette considération politique a fixé les regards de chaque Souverain, et la destruction de cette hydre formidable, ne paroît plus maintenant devoir être un problême, sur-tout, d’après les changements qui viennent de s’opérer à cet égard dans plusieurs des Cours de l’Europe.

[p. 12]

Mais pour démontrer la nécéssité d’une suppression générale aux yeux du Public souvent mal instruit, et pour rendre absolument impuissante la réclamation des différens Ordres, il faut établir cette nécéssité sur des principes incontestables, remonter à l’origine des établissemens Monastiques, en suivre les progrès, et comparer leur institution primitive avec leur état actuel ; il faut examiner ensuite leur utilité politique et morale, soit quant à la Religion, soit quant aux Mœurs, soit quant à l’État et à la Société.

 

De cet examen impartial, résultera la conséquence de leur nécessité, quant à la Religion, ou de leur inutilité politique et morale, et peut-être aussi celle du vice religieux, politique et moral de leur constitution et de leur existence.

 

Nous éviterons dans cette discussion la satyre et la plaisanterie que pourroit prêter la nature du sujet ; elles dégraderoient l’importance de notre objet : nous nous renfermerons uniquement dans les bornes de la vérité, de l’exactitude et des principes.

 

[p. 13]

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De l’Origine des Ordres Monastiques.

 

Cest aux persécutions exercées contre l’Église primitive, que nous devons l’origine de la vie érémitique. Les premiers Chrétiens, forcés de s’expatrier pour éviter la persécution, formèrent entr’eux des espèces de hordes religieuses qui s’établirent dans des déserts ou des lieux écartés, afin de se soustraire à la rage de leurs persécuteurs. Là, livrés, forcément, au travail de leurs mains pour subsister, et, volontairement, aux exercices de la Religion pour s’affermir de plus en plus contre les efforts de la persécution, ils menoient une vie sainte, laborieuse, exemplaire, en un mot, exemte d’ambition comme de faste.

Cette concordance de zèle entre les Chrétiens persécutés, et l’union de sentimens que l’égalité d’intérêt et de malheurs entretenoit entr’eux, ne pouvoient que produire des hommes vertueux, et dégagés de toute autre passion que celle inspirée par la Religion même. L’exemple de leurs vertus [p. 14] leur fit insensiblement des disciples ; de-là se formèrent partiellement ces solitudes dévotieuses qui, dans les premiers tems, furent des temples de vertus.

La Religion a ses prosélites, comme l’impiété ; l’exemple des Pères du désert se propagea de plus en plus, et l’enthousiasme qu’inspire la vertu ne servit qu’à les multiplier davantage.

Des hommes devenus dans cette vie solitaire des exemples de sainteté, s’acquirent bientôt une célébrité qui les fit tirer de leur solitude pour servir de modèle aux Chrétiens, dans l’exercice public de la Religion ; de-là leur admission dans le Clergé.

La dévotion n’est pas toujours exemte d’amour-propre ; insensiblement chacun voulut aspirer à la même célébrité ; les béatifications qui commencèrent à ces époques, et qui métamorphosoient les hommes en demi-Dieux, après leur mort, contribuèrent à multiplier les aspirans à la sainteté ; de-là vint la formation des couvens.

Il est du sort des meilleures choses de perdre leur mérite avec leur rareté ; les établissemens monastiques qui se multi-[p. 15]plièrent rapidement perdirent insensiblement de leur lustre, et cette décadence fut infiniment plus rapide que n’avoit été leur élévation.

 

Parvenus par leur réputation à acquérir une consistance dans l’opinion publique, les Moines se frayèrent insensiblement une route jusques au pied des Trônes qu’ils éblouirent de l’éclat de leur vertus réelles ou factices. Assurés, par-là, du suffrage des Souverains et de leurs Peuples, ils devinrent les Conseils, les Médiateurs et les Ministres même des Princes. Ils asservirent les Sujets au joug d’une vénération aveugle, et donnant un plus libre essor à leur ambition, ils employèrent tout ce que la séduction a de plus puissant et de plus insinuant, pour surprendre à la crédulité publique ces donations immenses qui les ont rendus propriétaires d’une portion considérable des différens Royaumes, où successivement ils s’étoient établis.

 

Cette facilité d’acquérir, l’ignorance des Peuples qui en étoit le premier véhicule, l’autorité Monastique déjà solidement affermie, multiplièrent de nouveau les établis-[p. 16]semens et les usurpations ; de-là tant de Monastères et tant de Moines de différens Ordres et de Constitutions différentes.

Mais l’enthousiasme qui avoit séduit l’Europe en général, n’épargna point les femmes ; ce fleuron sur-tout manquoit à la Couronne Monastique ; il y fut bientôt ajouté ; de-là se formèrent sous les auspices des Moines, ces nombreux couvens de femmes que nous voyons encore aujourd’hui ; mais pas une bizarrerie qui prouve à quel point peut se porter l’aveuglement du beau sexe une fois séduit, la Règle Monastique, si douce, si facile, pour des Religieux forts et robustes, fut pour le sexe le plus délicat et le plus foible d’une sévérité, d’une dureté telles, qu’elle tenoit plus à la cruauté qu’à la Religion. Une autre observation qui prouve que, depuis long-temps, les Moines prêchoient plus, de paroles que d’exemples, c’est que tous les Monastères d’hommes regorgoient [sic] de biens, et que ceux de femmes ont presque toujours manqué du nécessaire ; d’où nous serions tentés de croire que les Religieuses s’occupoient plus essentiellement des devoirs de leur état que les Moines ; à moins qu’on [p. 17] ne veuille supposer que la sévérité de la réclusion des Religieuses, les empêchoit de cimenter leur fortune sur l’intrigue et les cabales, en quoi peut-être elles n’eussent point cédé le pas aux Moines.

 

L’intervalle d’ignorance qui subsista depuis Charlemagne jusqu’à François Premier, donna le plus beau jeu à l’intrigue Monastique En effet, les Religieux seuls avoient conservé la connoissance des belles lettres absolument étrangère, pour ainsi dire, au reste du genre humain ; eux seuls presque savoient lire et écrire ; de-là tant d’abus que la nuit du tems a pour jamais ensevelis dans l’oubli, mais dont les effets subsistent encore ; seuls guides, seuls conseils des Grands, seuls dépositaires des intérêts de leurs consciences ou du secret de leurs affaires, les Moines les dirigoient [sic] toujours au gré de leur ambition personnelle. De-là les ravages odieux qui si long-tems ont dévasté l’Europe et l’ont arrosée de sang humain.

 

Une fois affermis par le nombre de leurs établissemens, les Religieux oublièrent le premier de leur vœux, celui d’humilité ; l’ambition en prit la place, et guidés par [p. 18] elle, ils tâchèrent de s’incorporer au Clergé ; la plupart des Évêques furent tirés des Couvens, et l’on vit bientôt les Moines parvenir jusques à la pourpre Pontificale : bientôt aussi l’on vit déposer dans leurs mains le sceptre affreux de l’Inquisition, tribunal dont le despotisme et la cruauté surpassent tout ce que l’Histoire a pu nous transmettre sur l’abus du pouvoir.

 

Pendant près de trois siècles les béatifications et les miracles Monastiques se multiplièrent excessivement, et le merveilleux qui séduit quelquefois jusques aux plus éclairés, produisit sur l’ignorance d’alors l’effet le plus étrange ; de-là les croisades conseillées, prêchées, ordonnées, exécutées, et qui ont tant accru le patrimoine Monacal ; de-là encore, tant de donations faites dans la vue de la fin prochaine du monde journellement prédite par les Moines (1), donations dont le motif seul étoit un excès de ridi-[p. 19]cule et d’ignorance, comme si elles avoient pu leur profiter après la destruction de l’univers ; mais tel étoit l’effet prestige de l’illusion et de l’aveuglement.

 

L’empire Monastique ne pouvoit plus étendre davantage ses limites ; alors assurés d’une circonstance qu’ils pouvoient désormais regarder comme inébranlable, les Moines se livrèrent aux excès de tous les genres ; le libertinage le plus scandaleux et le plus effréné, la violation de toutes les règles, l’insubordination la plus révoltante succédèrent à toutes les vertus qu’on avoit révérées dans le [sic] Pères du désert et dans les premiers Cénobites.

 

Depuis ces tems, le nombre des Religieux n’a fait que s’accroître avec celui de leurs Maisons ; l’envie de se propager aux dépens de la population a fait naître un nouvel abus, celui des professions avant, pour ainsi dire, l’âge de puberté : enfin le patrimoine Monastique s’est étendu au point que les souverains ont été forcés d’y mettre des bornes pour empêcher l’invasion générale de leurs États, qui eut été la suite de l’ambition des Moines et de la faculté d’acqué-[p. 20]rir ; de-là nos Ordonnances sur cette matière, et notamment celle de 1749, malheureusement trop tardive.

 

Aujourd’hui tous les ordres dotés sont d’une richesse immense ; et partie des Religieux Mendians possède, contre le vœu même de leur institut, des biens considérables. Tel est l’état présent des choses ; de sorte que les mêmes Religieux qui représentent les premiers Cénobites, les Pères du désert, ces hommes voués à la Religion, à la privation des biens terrestres, au travail des mains, et à l’abnégation la plus générale des choses mondaines, ces hommes enfin aussi simples que vertueux, aussi sobres que laborieux, aussi libres de passions que dégagés d’intrigue, d’ambition et d’amour-propre, sont aujourd’hui, sous un extérieur différent, des Crésus bouffis de fortune et d’embonpoint, livrés à toutes les passions humaines, gourmands, ambitieux, cabaleurs, processifs, ennemis de tout ce qui les environne, jaloux de leurs semblables, sans vertu, sans humanité, sans Religion ; et tel est l’état où, par des gradations successives, sont parvenus les établissemens [p. 21] formés par des hommes dont les vertus ont étonné l’univers. Si ce tableau n’est point flatteur, il est au moins sincère ; et si l’on avoit un reproche à nous faire, ce seroit d’en avoir adouci les couleurs et considérablement affoibli les nuances.

[p. 22]

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DE L’UTILITÉ POLITIQUE ET MORALE

DES MOINES,

 

Considérés quant à la Religion.

 

Pour juger de l’utilité des Moines quant à la Religion, il faudroit pouvoir déterminer avant tout s’ils en ont : leur conduite publique n’en justifie guères, et leur conduite privée doit en justifier encore moins ; mais d’après leur constitution même, ils ne peuvent être utiles à cet égard. En effet, leur régime est de vivre retirés d’un monde auquel ils ont formellement renoncé ; ils ne catéchisent point, et ne remplissent aucune des fonctions curiales ; ils ne peuvent même administrer aucun autre sacrement que celui de la pénitence. Ils sont restreints au seul pouvoir de confesser, qui devroit leur être interdit, par la raison que le tribunal de la pénitence n’est chez eux, très-souvent, qu’un tribunal de séduction où ils abusent de leur caractère pour entraîner dans leur vice les jeunes personnes, et pour mettre à contribution la foiblesse [p. 23] et l’imbécillité des autres. Nous avons vu des Moines confesseurs, dont la célébrité valoit quelquefois plus à leur maison que le revenu même du couvent, et nous pourrions en citer, si notre intention n’étoit d’éviter toute personnalité.

 

Les Moines prêchent, mais ils se font payer, et ils enlèvent cette rétribution à ceux qui doivent vivre du Sacerdoce. D’ailleurs comment peuvent-ils déclamer contre les vices d’un monde qu’ils sont censés ne pas connoître ? Le nombre des Moines prédicateurs est si grand, que peu de Prêtres se livrent à cette partie importante de leur ministère ; et la raison en est simple ; le Religieux qui n’éprouve aucun besoin, qui n’a aucune charge, donne un sermon pour le dixième de ce qu’un Prêtre exigeroit ; dès-lors la préférence et le bénéfice sont pour le Moine, tandis que le Prêtre végète dans le besoin et dans une sorte d’opprobre indigne de son caractère.

 

On objectera peut-être en faveur l’utilité monacale, que les Religieux disent des messes particulières pour le public ; oui, mais ils le font pour de l’argent, et à meilleur marché [p. 24] que dans les Paroisses ; ils privent encore, par-là même, les Prêtres séculiers dont ils absorbent le patrimoine, et ils leur enlèvent un droit essentiel de leur état, ce qui multiplie les Prêtres oisifs et malheureux, et surcharge le fardeau des familles et du public qui, de manière ou d’autre, sont obligés de pourvoir à leurs besoins.

 

Dira-t-on encore que les Moines entreprennent des missions chez les Peuples barbares, pour y porter les lumières de la foi, qu’ils se sacrifient pour la rédemption des Chrétiens pris par les infidèles ? Nous conviendrons que ces actions sont méritoires pour la forme ; mais le sont-elles pour le fond ? C’est une question. Les missionnaires ont deux objets dans leurs voyages, l’envie de se soustraire au joug conventuel auquel ils ne peuvent être asservis chez les Nations infidèles, et la curiosité naturelle à tous les hommes. On pourroit ajouter un troisième motif, le desir d’étendre leur domination et de pulluler dans l’un et l’autre hémisphère. A l’égard de la rédemption des Captifs, si cette charge n’étoit pas plus profitable qu’oné-[p. 25]reuse aux Couvens qui entreprennent ces expéditions religieuses, ils se délivreroient promptement d’une corvée de cette nature. Mais nous n’ignorons pas combien les fonds destinés au rachat des Captifs profitent aux Couvens jusqu’au moment de leur emploi.

 

Ainsi, en résumant chaque objet, il est clair que, du côté de la Religion, les institutions Monastiques sont absolument inutiles ; nous dirons même plus encore, c’est qu’elles sont absolument nuisibles. Mais une question plus importante se présente ici d’elle-même, celle de savoir si ces institutions ne sont pas contraires au vœu de la Religion.

 

Le premier ordre que le premier homme a reçu de l’Être Suprême au moment, pour ainsi dire, de sa création, a été celui de croître et de multiplier ; ordre précis, formel, et dont le texte ne prête matière à aucune interprétation. D’après cela, le premier devoir de l’homme sur terre, est de travailler à la réproduction de son être, et ce devoir est à la fois conforme aux loix divine, humaine et naturelle. C’est même, [p. 26] nous osons le dire, un hommage et un tribut de reconnoissance que toute créature raisonnable doit à la majesté du Créateur. Or, comment concilier l’institution Monastique, destructive par elle-même de toute réproduction humaine, et par conséquent meurtrière de la nature, avec l’ordre sacré de l’Être Suprême et l’institution divine du Sacrement le plus respectable ? D’après l’Écriture même et d’après le but de l’Éternel, l’état de continence ou de chasteté doit être considéré comme un état de réprobation . Si, d’après les principes reçus, l’Être Suprême et la Nature ne font rien d’inutile, à quoi servent dans un Moine et dans une Religion le germe créateur et la faculté générative que l’Éternel a mis en eux ? C’est donc rendre inutile l’œuvre de l’Être Suprême que d’anéantir les facultés essentielles de la créature ; c’est rendre les individus homicides d’eux-mêmes et de leur postérité dont ils sont comptables ; enfin c’est tendre à la destruction générale de l’ouvrage le plus parfait de l’Être Divin. Or, contrarier les principes de la Divinité même, c’est assurément contrarier et détruire ceux de la [p. 27] Religion (2) ; peut-on, d’après cela, soutenir que les institutions Monastiques soient utiles [p. 28] quant à la Religion ? C’est une question que nous laissons à décider. La difficulté que [p. 29] nous venons d’établir relativement au célibat des Moines peut naturellement donner lieu à une question subsidiaire ; nous nous dispenserons de la traiter ; la saine Religion, le tems et la raison la résoudront un jour.

Enfin pour nous résumer sur le principe que nous avons établi, nous citerons encore l’autorité de Saint-Paul conforme à l’ordre de Dieu même, et qui prouve la [p. 30] prééminence de l’état du mariage sur celui du célibat : il vaut mieux, dit l’Apôtre, se marier que de brûler, parce que l’état célibataire n’exclut ni la concupiscence, ni l’effervescence et le ravage qu’elle opère dans les passions. L’ancienne et la nouvelle loi sont donc parfaitement d’accord sur la nécessité du mariage ; mais on ne trouvera certainement ni dans l’une ni dans l’autre la recommandation, du célibat.

On nous opposera sans doute l’autorité du Concile de Trente, Can, premier, Sess. 24. du Mariage, où il est dit, ainsi que l’interprètent les Docteurs, que l’état du mariage n’est point préférable à celui de continence et de virginité, qu’au contraire il est plus avantageux de vivre dans le dernier que dans le premier. L’on invoquera sans doute aussi l’anathême foudroyé contre l’opinion contraire, et dans ce cas, il faudra donc anathématiser Dieu même et ses Apôtres et proscrire la Genèse et l’Évangile ; mais nous opposerons à cela que les livres sacrés sont l’ouvrage de l’Esprit-Saint, et que, le Concile de Trente est celui des hommes ; que l’Esprit-Saint que l’on suppose présider à l’Église convoquée en Synode [p. 3i] général, ne pourroit contrarier son ouvrage sans déroger à la perfection de son essence, et qu’il n’appartenoit pas plus aux Pères du Concile de déroger à une loi divine, qu’il n’appartiendroit à l’un des Parlemens d’abroger une loi d’État.

Mais nous allons plus loin à l’égard du texte même du Concile, et nous osons dire que les Pères qui le composoient étoient trop éclairés pour avoir mis en avant une proposition telle qu’on l’interprète, et qui, d’après, cette même interprétation, mériteroit l’anathême le plus foudroyant. Le Concile dit Textuellement : Si quis dixerit statum conjugalem anteponendum esse stalui virginitatis vel celibatus, et non esse melius ac beatius manere in virginitate aut celibatu quam jungi matrimonio, anathema sit. « Si quelqu’un dit que l’état du mariage est préférable à l’état de virginité ou de célibat, et qu’il n’est pas plus méritoire et plus heureux de rester dans l’état de virginité ou de célibat, que de se lier par les nœuds du mariage, qu’il soit anathême ». A partir de ce texte, on ne peut supposer aux Pères du Concile d’autre intention que celle d’accorder une sorte de [p. 32] prééminence au célibat sur le mariage, est raison de l’effort surnaturel qu’il faut pour résister à l’empire de la concupiscence charnelle, parce qu’il en coûte infiniment plus de résister à un penchant naturel que d’y céder ; mais induire toute autre opinion de ce texte, seroit une erreur, et l’interprétation même que nous en donnons, n’en est pas entièrement exempte, parceque [sic] tel effort que l’on fasse pour résister au penchant auquel nous asservit la nature, c’est toujours un crime due d’en violer la loi.

De ce qui précède, il suit donc que l’existence Monastique ne peut être utile à la Religion, et qu’elle lui est au contraire absolument nuisible, puisqu’elle contrarie à la fois et le premier vœu de la loi divine, et celui de la loi naturelle.

[p. 33]

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DE L’UTILITÉ POLITIQUE ET MORALE

DES MOINES,

 

Considérée quant aux mœurs.

 

La question que nous avons à traiter est délicate sans doute, en ce que nous ne pouvons la discuter sans compromettre la conduite morale des Moines, mais nous devons un sacrifice à la vérité.

Pour que l’institution Monastique fût de quelque utilité quant aux mœurs, il faudroit que la conduite privée ou publique des Moines ressemblât en tout à celle des premiers Cénobites, qu’elle eut pour base des principes de vertus, et que l’effet de ces vertus éclatât aux yeux des Nations. Il faudroit que renfermés strictement dans cette abnégation générale des choses terrestres qui fait le principe de l’institut Monastique, les Religieux ramenassent toutes leurs actions aux principes d’une Religion douce, humaine, bienfaisante et désintéressée ; qu’ils s’étudiassent à ramener la paix et la concorde ; qu’ils conciliassent les esprits aigris ; [p. 34] qu’ils entretinssent parmi les hommes cette fraternité, cette charité sociale recommandées par l’Évangile ; qu’enfin ils fussent le modèle de toutes les vertus dont ils ont arboré l’étendard, et à l’exercice desquelles ils sont dévoués.

Mais au lieu de tout cela, que voyons-nous ? Brisons les barrières du Cloître, et considérons les Moines dans leur société intérieure. Nous y verrons présider la haine, l’animosité, la vengeance, l’ambition, la jalousie et l’insubordination. Un sujet a-t-il des talens supérieurs ? il est l’objet de la persécution et des vexations de tous les genres : un autre est-il remarquable par une piété solide, par des mœurs exemplaires ? Ce n’est pour lui qu’un brevet d’exclusion des charges, parceque [sic] l’on craindroit de se voir asservir à l’imitation de ses vertus. Occupés journellement à se détruire, il n’est sorte de ressorts qu’un Moine ne fasse mouvoir pour sa vengeance. Combien de crimes la clôture monastique n’a-t-elle pas ensevelis ? Combien de cruautés ne s’y sont-elles pas exercées, au point que l’autorité supérieure s’est vue contrainte d’arrêter les progrès de cette oppression privée, d’infliger des punitions [p. 35] exemplaires, et de ramener au moins une subordination apparente sous la protection des loix ? Parcourons tous les Monastères, ils ont chacun les fastes de la perversité de mœurs qui a corrompu leur régime primitif.

Considérons maintenant les Moines dans leur régime domestique, nous les verrons dévorés d’ambition, jaloux d’acquérir sains cesse et d’augmenter un bien-être général, qui n’influe cependant en rien sur celui des individus en particulier ; car hormis une certaine classe de Religieux, et ceux qui sont à la tête des Couvens ou de leur administration, le surplus n’est jamais plus heureux un jour que l’autre. Enfin nous les verrons sans cesse hérissés de procès, soit contre leurs Abbés, soit contre leurs Supérieurs, soit contre leurs voisins, disputant sur des droits utiles ou honorifiques avec plus d’acharnement même que les gens du monde, usant de tous les moyens imaginables pour couvrir ou pour favoriser leurs usurpations, refusant ou contestant la subsistance des malheureux Pasteurs dont ils engloutissent le patrimoine ; en un mot, livrant pour ainsi dire une guerre éter-[p. 36]nelle au genre humain qui a fait leur bien-être. Nous ne pouvons assurément nous dissimuler ces vérités cruelles.

Les partisans de l’institution Monastique, qui ne voient dans l’état Monacal que ce qui devroit exister et n’existe point, ne manqueront pas de se récrier sur ce tableau, de dire qu’il est le fruit de l’irréligion et de la fausse philosophie, car c’est-là le grand mot ; mais ces Philanthropes Cénobitiques doivent commencer par établir la différence que nous établissons nous-mêmes entre la Religion et les Religieux ; ils doivent interroger à l’égard de ceux-ci la voix publique, cette voix qui enchaîne l’opinion générale ; mais pour convaincre mieux encore que cette opinion sur les Moines n’est ni celle du jour, ni le fruit de l’irréligion ou des préjugés, il suffit de pénétrer les siècles reculés ; on verra qu’alors les Moines étoient non seulement ce qu’ils sont aujourd’hui, mais qu’ils étoient encore infiniment plus répréhensibles que de nos jours. En remontant à plus de deux siècles, nous voyons que le fameux Concordat de Léon X, avec François premier, de l’an 1515, eut pour principale cause le relâchement du Clergé [p. 37] de France, et sur-tout la conduite irrégulière et dissolue des Moines de ce temps ; pour en juger, il faut entendre ce Prince lui-même par la bouche de Brantôme : « J’ai oui conter, dit-il, à une grande Dame, d’avoir entendu dire autrefois à ce grand Roi François, que le sujet qui le porta le plus à faire le Concordat avec le Pape Léon, pour abolir du tout les élections des évêques, abbés et aucuns prieurés, et s’en Prévaloir des nominations, fut les grands abus qui s’y faisoient en telles élections parmi les Moines ; car sans aucun égard à la suffisance, bien que de ce tems-là ne s’en trouvoit guères dans les cloîtres, ni de savoir non plus...... ils élisoient le plus souvent celui qui étoit le meilleur compagnon, qui aimoit plus les garces (3), les chien et les oiseaux, qui étoit le meilleur biberon, bref qui étoit le plus débauché, afin que l’ayant fait leur abbé ou [p. 38] prieur, par après il leur permît faire toutes pareilles débauches, dissolutions et plaisirs, comme de vrai l’en faisoient auparavant très bien obliger par bon serment, et falloit qu’il le tint par amour ou par force. Le pis étoit, quand ils ne se pouvoient accorder en leurs élections, le plus souvent s’entre-battoient, se gourmoient à coups de poing, venoient aux braquemarts, et s’entre-blessoient, voire s’entretuoient...... De plus aucuns élisoient quel simple bon homme de Moine qui n’eut osé grouiller ni commander faire autre chose, sinon ce qu’il leur plaisoit, et le menaçoient, s’il vouloit trop faire, du galant et rogue supérieur. D’autres élisoient par pitié quelque pauvre hère de Moine, qui en cachette les déroboit ou faisoit bourse à part et mourir de faim ses Religieux, dont s’en trouvoient de grandes plaintes et autant d’appauvrissement de l’Abbaye. De plus, ce grand Roi considérant les bons services que sa noblesse lui faisoit ordinairement... il trouva meilleur de récompenser ceux qui l’avoient bien servi, de quelques Abbayes et biens d’Église, que les laisser à des Moines claustraux, gens inu-[p. 39]tiles, disoit-il, qui ne servoient de rien qu’à boire et manger, taverner, jouer, ou à faire des cordes d’arbalètes, des poches de furet, à prendre des connils, à siffler des linottes, voilà leurs exercices, et faire une débauche que l’oisiveté leur apportoit. »

On voit, par cette esquisse, quelles étoient, il y a trois siècles, les mœurs Monastiques, et quel motif a toujours porté les Moines à se soustraire à la juridiction de l’ordinaire.

Mais si les témoignages de François premier et de Brantôme pouvoient paroître suspects, les historiens, les annales, les écrits de tous les tems, n’affoiblissent point le tableau qui précède. Pour en juger, il nous suffira de citer le portrait que Palingêne a fait des moines, dans son Zodiaque de la vie humaine, signe du lion : nous allons en ébaucher la traduction, ou plutôt l’imitation (4).

 

« Si ta femme est coquette, et sa vertu douteuse,

D’un joli cavalier, d’un valet élégant,

Ne souffre point chez toi l’approche dangereuse ; [p. 40]

L’habitude fait naître et nourrit le penchant :

En ce siècle pervers, nul ami n’est fidèle.

Dans la subtilité, l’amour met son loisir ;

Il veille nuit et jour pour surprendre une belle,

Et l’erreur d’un époux fait son plus doux plaisir.

Aux abbés, mais sur-tout à la gent monacale,

Interdis avec soin l’accès de ta maison ; [p. 41]

Ils savent avec art distiller le poison,

Et l’on ne sauroit fuir de peste plus fatale.

Méprisables humains, rebut du l’univers,

Protocoles d’erreurs ainsi que d’ignorance,

Vans leurs cœurs corrompus, une feinte innocence,

Sous la peau de brebis, nourrit des loups pervers.

L’encens qu’il vont offrir aux pieds du sanctuaire,

De ces cœurs gangrenés hommage mercenaire,

A l’intérêt pour but, et non la piété ;

Sous les dehors trompeurs d’une fausse droiture,

Ils savent tendre un piège à la simplicité ;

Et leur zèle apparent, guidé par l’imposture,

Sert de masque odieux à leur iniquité.

Vous voyez ces reclus, rayonnans de luxure,

De l’un et l’autre sexe effrénés corrupteurs,

Partisans des excès qu’abhorre la nature,

De la table et du vin avides zélateurs ;

De la religion commerçans sacrilèges,

Et sans cesse couverts de son sacré manteau,

Ils forgent chaque jour un miracle nouveau,

Pour tromper le vulgaire entraîné dans leurs pièges,

De là, tant d’actes vains et superstitieux,

Dont l’Éternel doit rire et détourner les yeux.

Le juste en son amour fuit toute récompense ;

S’il adore son dieu, c’est avec pureté.

Au cri de l’intérêt imposez le silence,

Et bientôt vous verrez cette coupable engeance

Abjurer et le culte et la divinité.

L’intérêt est leur dieu, c’est lui qui les inspire ;

Si vous rendez gratuit leur culte criminel,

Ces monstres à l’instant, dans leur fougueux délire,

Renverseront le temple et briseront l’autel.

[p. 42]

Ce tableau de la conduite monastique, considérée quant aux mœurs, ne dépare point celui que nous avons précédemment retracé.

Mais veut-on encore des détails plus récens, plus circonstanciés ? On les trouvera beaucoup plus étendus dans un ouvrage imprimé en 1675, sous le titre dit Moine sécularisé : « Qui dit moine, selon l’auteur de cet ouvrage, page 215, dit un séducteur du peuple, un corrupteur du sexe, un artisan d’impostures, un bateleur déguisé, un forgeron de miracles, une vendeur de mystères, un trafiqueur d’indulgences, un écornifleur de messes, un profanateur d’autels, un maquignon de reliques, un godronneur de chapelles, un quincaillier de médailles, un tympaniseur de fêtes, un griveleur de confréries, un pipeur d’images, un péageur de corps morts, un écumeur d’églises, une sangsue du crucifix ; qu’un moine est un oiseau de mauvais augure, un espion, un escroc, un filou, un homme masqué, un diable incarné, un émissaire d’enfer, un homme sans foi et sans loi, un chancre dans la république, une peste dans les maisons, l’ennemi de dieu et des hommes. »

[p. 43]

Il est évident, comme nous l’avons dit, et en remontant aux époques les plus reculées, depuis le commencement de la dégradation des vertus monastiques, que les religieux ont toujours fourni très-ample matière à la censure de leurs mœurs ; en comparant maintenant le présent au passé, l’on verra que la différence des tems n’a pas opéré de changemens bien considérables, mais seulement quelques modifications dans l’extérieur de leur conduite.

Nous n’entrerons pas dans un détail plus étendu sur la vie privée des moines ; cette discussion désagréable sembleroit plutôt une diatribe qu’une vérité ; mais toute l’Europe est imbue et convaincue de la perversité générale des mœurs monastiques, et les gens sensés concevront toujours qu’une conduite opposée seroit la chose, en quelque sorte, impossible dans l’ordre moral. Il faut convenir néanmoins que la plupart des couvens renferment aujourd’hui un nombre de sujets distingués par la pureté de leurs mœurs, par l’édification de leur conduite, et par l’utilité de leurs talens ; mais comme on ne peut conclure du particulier en faveur du général, [p. 44] cette exception ne détruit point ce que nous avons précédemment exposé.

Il suit donc de ce que nous venons d’établir, que les ordres religieux ne sont pas plus utiles dans un état, du côté des mœurs que du côté de la religion ; nous croyons même pouvoir avancer, et ce sentiment ne paroîtra point paradoxal, que le régime monastique est infiniment plus nuisible que profitable aux mœurs, et que l’oisiveté qui fait la vertu principale du cloître, doit être à la fois le germe de tous les vices, et le principe destructif de toutes les vertus.

[p. 45]

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DE L’UTILITÉ POLITIQUE ET M0RALE

DES MOINES,

 

Considérés quand [sic] à l’état et à la société.

 

Pour que les moines pussent être utiles à la société, il faudroit d’abord qu’ils y fussent admis, et ensuite que leur régime ne s’opposât point à cette admission. Les moines ont renoncé au monde, c’est le premier de leurs vœux, et ce n’est qu’abusivement, et par une infraction formelle à ce vœu, qu’ils se répandent dans la société : mais hors le cercle de leur famille, où sont-ils admis ? Quelques confesseurs sont reçus chez les dévotes, quelques hommes à talons sont admis chez ceux qui les aiment et les protègent ; le reste ne l’est nulle part, et cela, parce qu’on connoit généralement le danger de les recevoir : dans quelques provinces néanmoins ils règnent encore avec empire, et dieu sait à quel point ils abusent de la foiblesse et de la crédulité de ceux qui leur témoignent la moindre confiance ; ce qui peut en résulter, ce sont toujours des démêlés domestiques ou des dis-[p. 46]sentions de famille ; nous n’insisterons pas sur cet objet, parce que le danger d’admettre les moines dans la société n’est, depuis long-temps, plus un problême, et les défenses qui leur sont faites de paroître à la cour, sans une permission formelle et sans une nécessité absolue, confirment ce que nous venons de dire.

Considérés quant à l’État, les Corps Religieux sont-ils plus utiles ? C’est notre dernière question, mais elle se résout d’un mot et d’elle-même. Les Moines, collectivement pris, forment un corps dont le régime et la constitution sont une espèce de hors d’œuvre dans la constitution politique de tous les États quelconques. Ils se suffisent, pour ainsi dire, à eux-mêmes ; leurs besoins et les moyens d’y satisfaire sont concentrés dans l’enceinte de leurs clôtures ; dès-lors, l’État n’en tire aucun avantage. Leur objet politique est toujours de s’aggrandir et de se multiplier, systême destructeur, sagement mais trop tard prévenu par nos loix ; généralement toutes leurs combinaisons sont dirigées vers eux-mêmes, aucunes vers l’utilité de la chose publique ; dès-lors c’est un corps établi sur des principes absolument [p. 47] contraires à tous ceux du contrat social qui doit lier tous les membres. Aussi peut-on appliquer avec justice aux corps Religieux ce vers d’Horace :

 

Nos numeri sumus et fruges consumere nati.

 

Les Moines, en général, n’existent que par eux et que pour eux seuls, et l’état ne peut en tirer avantage ni pour l’agriculture dont ils absorbent les produits, ni pour la population dont ils enchaînent le progrès, ni pour l’industrie dont ils ne peuvent étendre les branches : en un mot le systême Monastique est tel, que si, depuis un siècle et demi, l’on n’eut opposé des barrières à sa propagation, la moitié de l’État se verroît absorbée dans ce gouffre destructeur.

A partir de ce qui précède, il est donc évident que, considérés soit quant à là société, soit quant a l’État, l’inutilité politique des Moines est absolument démontrée.

Nous avons dit, dans l’un de nos précédens ouvrages : « Tous les sujets du Roi sont Citoyens de l’État, ils doivent tous concourir proportionnellement au plus grand bien de la chose publique, et coopérer à [p. 48] l’harmonie politique, qui seule peut soutenir l’éclat et la prospérité d’un vaste empire. Le propriétaire doit apporter dans cette société générale ses fonds, le cultivateur ses soins, l’artisan son industrie, le commerçant son activité, le soldat son courage ; voilà la mise de chacun, et ces mises différentes ne doivent point se confondre ». Tel est, sans contredit, le systême constitutif d’un État bien policé.

Voyons maintenant si le corps Monastique entre pour quelque chose dans cette composition politique d’un État. Qu’apportent les Moines pour leur contingent dans cette contribution générale ? Rien. Ils sont à la fois civilement et moralement morts à l’État, et leur existence purement physique n’est qu’une charge sans bénéfice ; l’État est obligé d’enlever à l’agriculture, à l’industrie des bras précieux, tandis qu’il renferme et nourrit avec opulence dans son sein, trois cens mille individus moralement inutiles, et par conséquent moralement à charge. Eh ! de quoi peut servir, pour la défense générale, une nombreuse légion contemplative, contre les légions offensives d’un ennemi ? les sacrés canons seroient [p. 49] d’une foible ressource contre les profanes ; il faut des bras et du courage, et les moines n’ont que de l’appétit et de l’embonpoint.

Nous osons croire qu’on n’entreprendra point de contester ces vérités de principe et de fait, mais nous devons nous attendre à des objections ; car à quoi n’en fait-on pas ? Quoiqu’on en puisse dire, s’écriera-t-on, les Moines sont utiles dans les provinces, ils font vivre ce qui les environne, ils font travailler, ils occupent des bras, ils font des charités. A cela nous répondrons : s’ils sont utiles dans les provinces, nous savons bien à quoi ; et la société leur feroit volontiers grace de cette branche d’utilité. Ils font vivre des vassaux qui les environnent : souvent ils font mourir leurs voisins, par les usurpations qu’ils tentent, ou par les procès dont ils les assassinent ; mais tout autre propriétaire du bien que possède le corps Monastique, emploîroit comme eux les bras de ses vassaux, et répandroit plus d’industrie et autant d’activité dans ce qui les environne ; aux objets d’utilité il ajouteroit des objets de luxe ou d’agrément, il acheteroit et dépenseroit, et les Moines ne font rien de tout cela. Quant aux charités, elles n’ont ja-[p. 50]mais ruiné les couvens : la première de toutes seroit de laisser aux Pasteurs le fruit de leurs sueurs, et c’est précisément ce qu’ils leur enlèvent ; à quoi, d’après cela, se réduit le reste ?

Mais, dira-t-on encore, les Moines sont utiles dans la campagne qui manque absolument de prêtres pour l’exercice du service divin, et le Peuple a sur-tout besoin d’être soutenu et raffermi dans sa Religion. Cette objection, nous sommes forcés de l’avouer, paroît la plus forte, et n’est que la plus foible en faveur des Moines ; elle n’est cil effet qu’un pur sophisme auquel nous allons répondre.

La campagne est déserte de Prêtres dans nombre d’endroits, c’est une vérité ; mais la Capitale et la majeure partie des grandes Villes regorgent de Prêtres qui végètent tristement dans une oisive indigence, parce que le tribut du sacerdoce est dévoré par la cohorte séraphique.

Mais il est plusieurs moyens bien simples de remédier à cette disette, sans le secours des Moines : le premier seroit de renvoyer chaque Prêtre dans son Diocèse ; le second, [p. 51] d’obliger chaque Évêque à ne conférer les bénéfices qu’a des Prêtres de son Diocèse ; le troisième, de nommer à toutes les cures par élection, et d’abroger le droit de patronage ; le quatrième, de ne choisir les Curés que dans le corps des Vicaires ; le cinquième, de ne nommer aux canonicats métropolitains et autres, que par voie d’élection, et de ne prendre les sujets que dans le corps des Curés, afin de leur procurer dans leur vieillesse et à la suite des travaux fatigans du sacerdoce, une retraite honorable et utile tout à la fois (5) ; le sixième, de ne nommer à l’avenir aux Evêchés que par élection, et de ne choisir les Évêques que dans le corps des Chanoines métropolitains, de manière que le dernier Vicaire ait toujours la perspective, avec du travail et de la bonne conduite, de voir couronner ses peines par les honneurs de l’épiscopat ; enfin, le septième, de rendre aux ministres des autels le droit qu’ils confèrent aux autres, et dont [p. 52] aucune loi divine ni raisonnable ne les a jamais privés, celui de se marier.

Nous sentons bien que tant d’innovations réunies vont exciter la réclamation générale des Collateurs qui souvent, avec le droit de nommer à un bénéfice, se déchargent gratuitement de la reconnoissance qu’ils peuvent devoir, ou qui font de ce droit un commerce aussi honteux qu’illicite ; des gens de Cour, qui trouvent bien plus simple, à la faveur de la protection ou de l’intrigue, d’arriver à l’épiscopat, que de passer par la filière des degrés du ministère sacerdotal, pour y parvenir. Et en effet, quel abbé de Cour voudroit commencer par être Vicaire ou Curé de campagne, fût-il sûr de devenir Archevêque de Paris ? Mais l’intérêt de la Religion entre pour beaucoup dans nos vues, et nous sommes convaincus qu’on ne peut jamais être qu’un fort mauvais général, si l’on n’a commencé par être bon soldat. Nous aurons encore contre nous tous ces espaliers de toilette, tous ces courtisans doucereux qui, l’ariette ou la nouvelle du jour à la main, attendent une cure, un canonicat., un bénéfice enfin digne de leur mérite, et qui, demain, quitteroient le rabat et le [p. 53] manteau, si on leur offroit un Vicariat provincial ou une Cure à portion congrue.

On s’élévera [sic] bien davantage contre l’idée de marier les Prêtres ; ils se trouvent si bien commune ils sont ! cependant cette idée mérite d’être approfondie avant d’être jugée : l’on peut assurer, et nous nous en rapportons sur cela aux Prêtres mêmes, que sur cent, il n’en est pas dix qui aient vécu dans la continence que leur état leur prescrit ; il y a même plus, ils n’en font pas le vœu, et ne répondent point à la question lors des ordinations : s’ils sont fautifs en cela, c’est la faute de la loi, non la leur, parce que la loi de la nature est plus forte que toutes les loix humaines.

Mais, dira-t-on, en mariant les Prêtres, que deviendront leurs femmes, leurs enfans ? Le voici : d’abord, le Sacerdoce n’exclut pas la propriété comme l’état monastique ; ainsi les Prêtres auront toujours le patrimoine personnel qu’ils doivent avoir ; d’un autre côté, il n’est point de Curé dans les villes, et sur-tout dans les campagnes, qui ne trouvât un établissement avantageux, en raison de la dignité de son état ; il n’est même pas de gros fermier qui ne désirât [p. 54] unir sa fille au Curé de sa paroisse, parce qu’il croiroit lui-même en tirer un lustre plus considérable ; car personne n’ignore que la plus grande ambition des gens de campagne est d’avoir un fils dans la prêtrise ; ainsi, d’une part, les Curés ne seroient point embarrassés de trouver des partis avantageux, sur-tout s’ils avoient l’espoir de parvenir avec le tems aux premiers grades ecclésiastiques ; d’un autre côté, leurs enfans ne seroient pas plus embarrassés, parce que les filles pourroient s’unir à des Vicaires, à des Curés, et leurs fils auroient eux-mêmes l’espoir de succéder à leurs pères, ou tout au moins de pouvoir suivre la même carrière. On peut juger de ce que nous avançons par l’exemple des Ministres Protestans qui se trouvent dans la même hypothèse.

 

Il conviendroit, si l’on adoptoit un jour un parti aussi sage, d’établir dans chaque diocèse un collège ecclésiastique gratuit, pour l’éducation des enfans des curés, et ces établissemens seroient à la charge du clergé. Lorsque ces enfans seroient en âge de faire choix d’un état, s’ils optoient pour le sacerdoce, alors ils pourroient faire leur [p. 55] théologie dans les mêmes collèges, et de là passer aux ordinations.

De l’exécution de ce projet résulteroient les avantages les plus salutaires ; en effet, 1°. l’on ne verroit désormais que des gens d’un mérite vrai, chargés du plus auguste ministère ; 2°. l’existence physique et morale des curés, dans les campagnes sur-tout, leur deviendroit et plus agréable et moins onéreuse ; 3°. leurs femmes les soulageroient beaucoup dans le soin des pauvres et des malades, ainsi que dans l’éducation et la surveillance des filles des paroisses ; 4°. enfin, tant de désordres, dont on se plaint justement aujourd’hui, disparoîtroient pour faire place à l’édification et au bon exemple.

Tels seroient les moyens de faire cesser la disette de ministres évangéliques dans les campagnes ; moyens indépendans, comme on le voit, de l’existence ou de la suppression des maisons monastiques.

Ainsi, considérés quant à l’état ou quant à la société, les moines ne sont donc et ne peuvent être moralement de la plus légère utilité, puisqu’ils font ce qu’ils ne doivent pas faire, et qu’ils ne font pas ce qu’ils de-[p. 56]vraient, ainsi que nous venons de le démontrer.

De ce que nous venons d’exposer, doit résulter la conséquence positive de leur inutilité radicale, sous tous les points de vue possibles. De tous les tems il a existé des états plus ou moins policés, et de tout tems il n’a pas existé des moines ; donc les états peuvent exister sans eux : moitié des états de l’Europe n’ont point de moines, et n’en existent pas moins ; donc l’existence des moines est absolument étrangère à celle des états ; d’où il faut conclure que, de l’inutilité politique et morale des moines, doit résulter la nécessité de leur suppression. C’est ce que nous allons démontrer par des motifs aussi puissans que ceux qui ont précédé.

[p. 57]

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NÉCESSITÉ DE L’ABOLITION

DES MAISONS RELIGIEUSES.

 

Plusieurs puissances de l’Europe, convaincues comme nous des vérités qui précèdent, ont enfin pris le parti d’arrêter absolument les progrès d’un mal devenu trop évident, pour pouvoir se faire plus long-tems illusion : chaque souverain, à cet égard, a opéré d’après ses principes ou ses vues. Celui de tous qui à tranché le plus vivement, est l’Empereur actuel ; mais quoique la marche qu’il a suivie dans cette opération diffère absolument de la nôtre, nous ne nous permettrons pas de la censurer, parce que nous devons supposer qu’un souverain doué d’une intelligence aussi profonde que la sienne, ne peut et ne doit opérer qu’avec sagesse, et que ce qui paroîtroit souvent à desirer dans la marche qu’il adopte, est sans doute le secret de son administration, et la conséquence des vues ultérieures qu’il se propose d’exécuter dans la suite.

Outre l’inutilité radicale et démontrée des maisons monastiques, il est un motif poli-[p. 58]tique de la dernière importance qui, abstraction faite des précédens, suffiroit pour déterminer l’abolition des moines, et ce motif se tire naturellement de l’immensité des propriétés foncières qu’ils possèdent et qu’ils ont soustraites à perpétuité du commerce et de la circulation. (6)

Les partisans du monachisme, car il en est encore beaucoup, objecteront sans doute que les plus beaux biens monastiques n’étoient, dans le principe, que des terreins vagues, incultes, et que c’est à leurs soins et à leur industrie qu’est dû l’état de fertilité de ces fonds. Mais une réponse simple écarte cette objection : si les moines n’eussent pas envahi, ou n’eussent pas surpris à la crédulité d’alors les fonds qu’ils possèdent aujourd’hui, ces mêmes fonds eussent été dans d’autres mains, et d’après l’état de culture et d’abondance gui règne par-toute la France, ils ne seroient sûrement pas demeurés en friche ; ils [p. 59] n’ont d’ailleurs travaillé que pour leur intérêt personnel et non pour celui de la société. Conséquemment cette objection n’est susceptible d’aucune considération.

Il est donc d’une importance très-réelle de rendre à la société des fonds qui lui appartiennent, et de rendre à l’étal des individus que l’oisiveté, la violence ou le désespoir en ont soustraits.

Mais pour opérer avec fruit une révolution aussi salutaire, il convient de n’employer que des moyens légaux qui ne puissent, dans aucun tems, laisser après eux de tache ni de reproche contre l’administration ; pour cet effet, il faut commencer par se retrancher dans les principes.

Dans aucun état bien policé, il ne peut exister de corporations civiles ou religieuses, sans le concours et l’agrément de l’autorité suprême ; dans un état monarchique, l’état et le pouvoir résident en entier dans le souverain qui en est le représentant. Enfin la même autorité qui peut admettre une corporation quelconque, a sans contredit aussi le pouvoir de l’anéantir : or le concours de ces principes est directement applicable à l’espèce.

[p. 60] Nos souverains ont autorisé dans un tems les établissemens religieux, ils les ont favorisés, ils en ont même fondé et doté la plupart ; or, ce qu’ils ont eu le pouvoir et la facilité de faire dans des siècles d’ignorance et de superstition, ils ont aussi le pouvoir de le détruire dans un siècle de raison et de. philosophie. D’un autre côté, la majeure partie des fondations monastiques étant royales, il en résulte que les fonds de ces dotations ont été pris sur le patrimoine personnel de nos souverains, ou sur le domaine royal, ou sur les revenus de la couronne ; au premier cas, ces fonds, d’après nos constitutions, devroient se trouver aujourd’hui réunis au domaine, s’ils n’avoient été appliqués à des dotations monacales ; au second cas, ils n’ont pu, d’après encore nos principes, être distraits du domaine royal, et ils y devroient être réunis ; enfin, au dernier cas, ils ont appauvri le trésor de la Nation, et contribué partiellement et par succession, au déficit de nos finances : ainsi de ces trois motifs résulte incontestablement le droit qu’a le Souverain de retirer à lui tous ces fonds, pour en verser le produit dans [p. 61] le trésor de la Nation, et liquider en partie la dette énorme dont l’État est grevé.

On nous objectera, sans doute, que si partie des fondations monastiques est due à la munificence de nos Souverains, il en est aussi partie qui n’est due qu’au zèle religieux de nombre de personnes privées, et cela est vrai ; mais on ne peut pas en conclure que les fonds des établissemens formés par des particuliers doivent retourner à leurs descendans ; et voici quelles en sont les raisons :

1°. Nombre de fondateurs ou bienfaiteurs des maisons religieuses étoient des particuliers obscurs dont il seroit fort difficile de retrouver aujourd’hui les descendans. 2°. Nombre de familles de fondateurs ou de bienfaiteurs sont éteintes, et en appellant les descendans à recueillir les fonds des fondations faites par leurs auteurs, ce seroit ouvrir la plus vaste carrière à des procès interminable entre tous les prétendans.

Mais une raison prépondérante l’emporte encore sur ce qui précède : les donations faites aux couvens n’ont jamais été attaquées par les héritiers des donateurs, conséquemment ils ont dès-lors renoncé pour [p. 62] toujours à la propriété de ces fonds ; dès-lors ils n’ont plus de droits à prétendre sur les objets donnés ; d’un autre côté, les corporations religieuses n’ont point d’héritiers par la raison qu’elles n’héritent point ; du moment de leur dissolution, leur succession est ouverte, et à défaut d’héritiers, leur succession est dévolue au fisc. Ajoutez enfin à ce qui précède que, du moment de leur suppression, l’entretien des individus qui les composent tombe absolument à la charge de l’État.

Ainsi, d’après les principes et les considérations qui précèdent, toute espèce de réclamation de la part des héritiers des fondateurs ou bienfaiteurs, deviendroit absolument illusoire et sans fondement.

[p. 63]

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DES MOYENS

 

De supprimer les Maisons Religieuses.

 

Le premier pas à faire avant d’opérer la suppression des Maisons Monastiques des deux sexes, est d’obtenir en Cour de Rome un bref général de sécularisation qui relève purement et simplement chaque individu de ses vœux, et le rende absolument libre de sa personne ; et dans le cas où, ce que nous ne présumons pas, le Souverain Pontife opposeroit des difficultés, le moyen de les trancher, seroit de faire relever chaque Couvent par l’Évêque Diocésain, par la raison que ce n’est ni de l’autorité ni de l’agrément du Pape qu’un Religieux fait l’émission de ses vœux.

Ce préliminaire une fois rempli, l’on assureroit ensuite à chacun des individus un sort convenable suivant le sexe, en observant que l’entretien des femmes est bien plus dispendieux que celui des hommes.

Mais comme cette charge, dans le commencement de la suppression sur-tout, seroit très-onéreuse pour l’État, il convien-[p. 64]droit d’enjoindre à tous les Évêques de ne conférer les bénéfices ecclésiastiques de tout genre, qu’aux Religieux supprimés qui seroient en état de les remplir, parce que les bénéfices dont ils seroient pourvus, viendroient en déduction d’autant, sur la pension que l’État se seroit obligé de leur payer annuellement.

Il conviendroit également d’abandonner aux Religieux et Religieuses de chaque couvent le mobilier de leurs maisons respectives, à partager entre eux, à la réserve de celui de leurs églises, et une somme de cinq à six cents livres sur les deniers de la maison, pour subvenir à leurs besoins au moment de leur dissolution : il conviendroit d’accorder aux Religieuses queIque chose de plus, à cause des dépenses d’habillement bien plus coûteuses, qu’elles seroient obligées de faire en sortant de leurs couvens.

Mais la meilleure manière d’assurer le sort des individus supprimés, seroit d’établir à leur profit une tontine rétrograde ou redoublée, dans le genre de celle indiquée dans la Théorie générale de l’administration des Finances, tom. 2.

D’après des renseignemens fournis par des [p. 65] Religieux mêmes, il paroît résulter que le revenu total des maisons Monastiques seroit de deux cens millions, et que le nombre des sujets ne seroit que de 32,000, savoir 12,000 Religieux et 22,000 Religieuses, mais on peut porter le tout à 36,000 individus : or en accordant à chacun 1,800 livres par an, ce ne seroit qu’une dépense annuelle de 54 millions dans le principe, ou du quart de leur revenu collectif ; mais si l’on veut économiser sans blesser la justice, on peut diviser ces individus en six classes, dont la première de 20 à 30 ans ; la seconde, de 30 à 40 ; la troisième, de 40 à 50 ; la quatrième, de 50 à 60 ; la cinquième, de 60 à 70 ; et la sixième, de 70 à 80, et diviser le tout ainsi qu’il suit.

 

1re Classe,    4,500 individus    à   800 liv.      3,600,000 liv.

2e . . . . . .       6,500 . . . . . .         à  1000 . . .      6,500,000

3e . . . . . .       8,500 . . . . . .         à  1200 . . .    10,200,000

4e . . . . . .       7,500 . . . . . .         à  1400 . . .    10,500,000

5e . . . . . .       6,500 . . . . . .         à  1600 . . .    10,400,000

6e . . . . . .       2,500 . . . . . .         à  1800 . . .      4,500,000

                    –––––––––––––––––––––––––––––––––––

                       36,000 Total des Pensions.  45,700,000

                    –––––––––––––––––––––––––––––––––––

Mais comme ce traitement seroit trop modique pour des êtres qui ont sacrifié leur [p. 66] fortune et leur liberté, il conviendroit d’accorder aux survivans de chaque classe, à titre d’accroissemens, les extinctions qui surviendroient, et cela jusqu’à ce que toutes les pensions fussent portées à 3,000 livres.

 

Pour cet effet, lorsque les pensions de la sixième classe seroient accrues jusques à 3,000 liv., le surplus des extinctions se verseroit à fur et mesure par portions égales sur les classes précédentes, jusqu’à ce qu’elles fussent aussi portées à 3,000 livres, et lorsque toutes les pensions seroient parvenues à ce point, c’est-à-dire après l’extinction de la majeure partie des pensionnés, alors toutes les extinctions à venir tourneroient au profit et à la décharge de l’État.

Ce parti seroit d’autant plus préférable, qu’autrement on ne pourroit guères fixer les pensions au-dessous de 1,800 livres, ce qui seroit beaucoup plus coûteux à l’État, sans être plus profitable aux individus en dernière analyse ; au lieu que, d’après ce plan, ils trouveront l’avantage de voir leur bien-être s’accroître avec leurs années et leurs besoins, et que l’état sera beaucoup moins surchargé.

Dans ce moment, au contraire, on pro-[p. 67]pose de fixer a 700 livres le traitement des religieux à supprimer ; mais ce seroit l’erreur ou l’injustice les plus criantes, sur-tout si l’on considère ce qu’ont coûté l’éducation, les études, le noviciat et la dot de la plupart des individus, et sur-tout la perte qu’ils ont faite de leurs biens, par leur entrée en religion ; de sorte qu’ils n’auroient même pas, en considération de leurs dépenses et de leurs sacrifices, l’intérêt viager de ce qu’il en a coûté pour les faire devenir ce qu’ils sont.

Tout le monde convient aujourd’hui de la nécessité de la suppression des Ordres monastiques, mais personne n’est d’avis de leur enlever une subsistance décente et nécessaire.

A l’égard du surplus des biens des maisons supprimées, ils seroient réunis au domaine de la couronne, pour ensuite être vendus dans la forme ci-après, et le produit être employé à la liquidation partielle de la dette nationale.

A l’égard des maisons conventuelles, et sur-tout des églises, comme il est beaucoup de maisons très-spacieuses et très-commodes, sur-tout dans les abbayes en commende, et [p. 68] beaucoup d’églises très-belles ou très-bonnes, il faudroit substituer dans les grandes villes, ces maisons à des hôpitaux mal-commodes ou délabrés, et vendre en place les terreins de ceux-ci ; et quant aux églises, les substituer à des paroisses trop anciennes ou mal-construites, dont on vendroit le terrein et les démolitions. Cette dernière opération pourroit être fort avantageuse, sur-tout dans les campagnes où la plupart des églises sont en très-mauvais état.

A l’égard des fondations attachées aux églises conventuelles, elles y demeureroient si l’on conservoit ces églises ; et si on les démolissoit, alors ces fondations seroient transférées à la paroisse, dans le ressort de laquelle se trouveroit. l’église conventuelle à supprimer ; et le Gouvernement subviendroit au nécessaire pour l’acquit de ces mêmes fondations.

Il seroit essentiel cependant de laisser subsister, et même d’établir plusieurs maisons de Religieuses à simples vœux, telles que les Miramiones et autres, pour l’instruction et l’éducation des jeunes demoiselles, et pour servir de retraite aux personnes âgées ou peu fortunées ; on pourroit même encore [p. 69] établir dans quelques-uns des couvens à supprimer, des chapitres pour servir de retraite et d’asyle aux demoiselles honnêtes et peu fortunées qui, dans ces maisons mêmes, pourroient trouver plus facilement à s’établir que dans le monde ; mais il ne faudroit fixer à ces maisons que des rentes sur l’État, sans autre propriété foncière que les maisons conventuelles et leurs dépendances.

Mais dans le nombre des maisons à supprimer, il en est deux sur-tout dont la suppression pourroit éprouver quelqu’obstacle, savoir l’abbaye de Saint-Denis-en-France et celle de Sainte-Geneviève de Paris. A l’égard de la première, ce seroit le cas de l’ériger en chapitre noble, comme étant la sépulture ordinaire de nos Rois ; quant à la seconde, on pourroit, soit y transférer la métropole de Paris, et faire de la métropole actuelle la paroisse de la cité, en supprimant nombre de petites paroisses contigues, pour ainsi dire, les unes aux autres ; soit ériger également cette abbaye en chapitre noble ; mais le premier parti sembleroit préférable.

A l’égard des bibliothèques des maisons à supprimer, on pourroit à Paris, laisser subsis-[p. 70]ter celle de Sainte-Geneviève ; à l’égard des autres, on pourroit les réunir à celle de la Ville, et vendre seulement les exemplaires doubles que fourniroit cette réunion. Dans les provinces, il conviendroit également de conserver les bibliothèques, de les donner aux différens corps de villes, pour être rendues publiques, et de vendre seulement les exemplaires doubles. Ce secours deviendroit très-utile aux amateurs des sciences et des belles-lettre qui, dans les provinces, n’ont point, comme à Paris, le secours des grandes bibliothèques.

Enfin, en procédant à l’aliénation des biens monastiques, il conviendroit d’admettre tous les vassaux qui en relèvent, au rachat de droits seigneuriaux, rentes foncières et redevances seigneuriales utiles de tout genre, sur un tarif qui seroit fixé ; quant aux droits honorifiques, il conviendroit de les supprimer en totalité, comme un reste nuisible de la servitude féodale ; il suffiroit d’établir un cens, le moindre possible, pour conserver la suzeraineté, et la faire remonter jusqu’au Souverain qui, en cette qualité, représente l’État, véritable et primitif Seigneur universel du Royaume.

[p. 71] En délivrant ainsi les propriétés foncières des droits onéreux ou gênans dont ils sont grevés, ce seroit ajouter une activité beaucoup plus grande à leur circulation, et rendre leur commerce bien plus avantageux et bien plus facile.

Mais dans cette suppression générale des Ordres religieux, doit-on comprendre l’Ordre de Malte ? C’est la question qui nous a déjà souvent été faite, et par la solution de laquelle nous terminerons cet ouvrage.

Cet ordre, il faut en convenir, est recommandable et par l’objet de son institution, et par les membres qui n’ont cessé d’en faire l’illustration et le soutien ; et par cette raison, il ne peut ni ne doit être confondu dans la classe des autres Ordres religieux : mais il faut convenir aussi que la situation et le systême politique de l’Europe sont bien différens de ce qu’ils étoient lors de la création de cet Ordre, et l’on ne peut se refuser à la vérité constante de son inutilité actuelle ; on ne peut également disconvenir qu’en raison des vœux auxquels sont astreints les Chevaliers profès, nombre de familles des plus recommandables se sont éteintes et s’éteignent encore tous les jours.

[p. 72] Dans cette position, il dépend de la volonté du Souverain d’anéantir ou de laisser subsister l’Ordre dans ses États ; les biens que cet Ordre possède en France, ont la même source que ceux des autres maisons religieuses, ce sont des dons de la Nation ; ces dons ont été faits dans des vues et sur des motifs qui n’existent plus, et nos Souverains sont assez puissans pour mettre les Barbaresques à la raison, sans le secours de l’Ordre de Malte. Dès lors, plus de cause, plus d’effet, et le Souverain, seul chargé par la Nation, seul en état de venger les insultes qu’on feroit à ses peuples, peut supprimer un ordre désormais inutile, et faire relever de leurs vœux tous les Chevaliers de son royaume ; mais ils conviendroit, en aliénant les biens de l’Ordre, d’assurer à ceux qui jouissent, soit de commanderies, soit de bénéfices, des pensions viagères sur le pied de quatre pour cent de la valeur des biens existans.

On nous demandera, sans doute aussi, ce que, dans cette suppression générale, deviendront les abbés commandataires, prieurs et autre qui jouissent de bénéfices claustraux ; notre réponse sera encore simple : [p. 73] de quelle utilité, de quels secours sont-ils à la Religion, à l’État, à la société ? Leur existence n’intéresse qu’eux seuls ; dès-lors il faut les supprimer : mais comme il faut toujours éviter les réclamations et les murmures, il conviendroit d’accorder aux titulaires existans, à titre de pension, les revenus de leurs bénéfices, sur le pied de quatre pour cent du prix de la vente des biens qui les composent.

Maintenant, quant à la manière de procéder à la vente de tous ces biens, la seule praticable, après l’établissement des administrations provinciales, seroit de faire faire ces ventes sur enchères, au plus offrant, au bureau des administrations respectives, d’après des affiches et annonces contenant la situation et le produit des biens à vendre ; mais pour éviter les ventes à vil prix, il faudroit sur-tout avoir l’attention de ne vendre que dans une province à la fois, et par suite, à tour de rôle dans les autres.

Mais comme le numéraire du Royaume seroit absolument insuffisant pour payer le prix d’une vente générale, dont le résultat seroit à-peu-près de deux milliars et demi, et comme ces mêmes fonds seroient destinés [p. 74] à l’acquittement partiel de la dette nationale, il conviendroit de faire successivement des créations de cinq cents millions à la fois de papier-monnoie, à l’instar de celui de la Caisse-d’escompte, et de rembourser à l’avance, avec ce papier, la portion la plus onéreuse des dettes, afin de donner aux créanciers remboursés, la facilité d’enchérir et d’acquérir les biens à vendre. Avec ce même papier, les adjudicataires solderaient le prix de leurs adjudications, et après les ventes, tous les billets de monnoie qui auroient été perçus à la caisse générale, seroient supprimés et brûlés dans la forme usitée en pareil cas ; et lorsque toutes les ventes seroient opérées, s’il restoit encore quelques-uns de ces billets dans le commerce, alors ils seroient remboursés des deniers qui se trouveroient à la caisse des ventes, ou qui seroient pris au Trésor-royal, et on les supprimeroit de la même manière.

La création momentanée de papier que nous proposons, empêcheroit les ventes à vil prix, et qu’elles ne traînassent en longueur, double inconvénient qu’il est bien essentiel d’éviter dans une opération aussi importante.

Nous ne dirons rien de la manière dont [p. 75] devroit s’opérer la suppression de chaque maison, ni des précautions qu’il conviendroit de mettre en usage ; ce doit être le secret de l’administration, et sa prudence doit prendre les mesures qu’exige une opération de cette nature.

Maintenant notre tâche est remplie, et nous croyons avoir suffisamment prouvé l’inutilité des maisons religieuses et la nécessité de leur suppression ; il ne nous reste plus à desirer, pour le bien de l’État et celui de la société, que de voir enfin exécuter ce que la Religion, la raison et la saine politique exigeait depuis si long-tems.

 

 

FIN.

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Notes :

 

1 [p. 18] Ne pourroit-on pas induire de la cause de ces donations, que puisque la fin du monde si prochaine alors, n’est point encore arrivée, ces donations sont devenues caduques par le fait, puisqu’elles sont destituées de cause ?

 

2 [p. 27] On pourroit ajouter à ce qui précède les réflexions d’une jeune personne sur l’état Monastique.

 

Extrait d’un Ouvrage non imprimé.

 

« Moi j’irois augmenter le troupeau malheureux,

De ces Colombes gémissantes,

Qui la plupart, victimes innocentes

De leurs plaintifs accens font retentir les cieux !

Moi j’irois noyer dans les larmes

Des jours sereins, exempts d’alarmes ;

J’irois troubler un si paisible cours !

Qu’est-ce en effet qu’un Monastère ?

Un réduit triste et solitaire,

Où l’innocence, pour toujours,

Ainsi que la vertu, gémissent sous la haire.

Là souvent, aux pieds de l’Autel,

Un père ambitieux et guidé par le crime,

Vient immoler lui-même une foible victime :

Barbare à la fois et cruel,

Aux plus pressans soupirs il se montre insensible ;

Tandis que l’innocente, au fort de sa douleur

Prononce le serment terrible

Que doit désavouer son cœur.

Là, plus souvent encor, une Amante éplorée,

Pour se venger des froideurs d’un Amant,

Veut vivre à jamais ignorée ;

Le dépit seul préside à ce fatal serment.

Sous le poids des regrets, cette Amante accablée,

[p. 28] A son cœur enchaîné donne de nouveaux fers ;

Enfin le désespoir dont son ame est troublée,

Par la route des Cieux, la conduit aux Enfers. *

Quand du néant Dieu tira la matière

Pour en former cet immense Univers,

Créa-t-il, s’il vous plaît, Adam, notre bon père,

Pour séjourner au fond d’un Monastère ?

Il n’auroit donc créé que de vastes déserts :

Mais créa-t-il encor notre gourmande mère,

Pour être Sous-Prieure ou pour être Tourière ?

Nonobstant de François les partisans divers,

Pour se multiplier il les plaça sur terre.

Partant, dût mon avis être censé pervers,

Aux loix du Créateur, le couvent est contraire.

 

* En 1779, nous avons vu un exemple frappant de cette vérité : une personne douée du plus grand mérite étoit promise à quelqu’un de son choix, qu’elle adoroit et qui étoit digne d’elle ; le contrat de mariage étoit passé, les bans publiés, etc. lorsque les événemens les plus inattendus reculèrent cette union ; la Demoiselle fut même victime des désagrémens les plus inouis : mais son union dépendoit toujours de sa volonté, lorsque tout-à-coup, poussée par un point d’honneur et par une délicatesse mal entendus, absorbée dans un désespoir causé par une fausse combinaison, elle prit tout-à-coup le parti du convent qu’elle avoit détesté jusqu’a-[p. 29]lors, et choisit pour sa retraite l’ordre le plus austère. Les dévots ne manqueront pas de dire, que le doigt de Dieu la toucha dans ce moment, comme SaüI ; elle seule peut en décider ; mais peu de tems avant sa profession, son Directeur, instruit des circonstances, et peu convaincu du miracle de Saül, ayant essayé de lui démontrer son erreur, et de la rappeller à ses premières promesses et à ses premiers devoirs, elle lui écrivit : « Vous avez tâché de rappeller à mon esprit mes anciennes idées, à mon cœur mes anciens goûts ; vous avez tenté mon ame, et vous avez permis à M... d’y porter les derniers coups, en me forçant de lire la lettre qu’il vous avoit remise pour moi. » Ce n’étoit sûrement point là le style de la vocation, mais un amour-propre aussi mal entendu que mal fondé l’emporta, et la victime fut sacrifiée le jour anniversaire même de celui où elle avoit fait, quatre ans auparavant, les derniers et les plus forts semens à celui qu’elle adoroit.

 

3 [p. 37] On sait que cette expression da l’ancien langage qui maintenant se prend en mauvaise part, désignoit alors une fille, et qu’en Flandres même aujourd’hui l’on appelle encore gars ou garcette, un jeune homme ou une jeune fille.

 

4 [p. 39] « Si tibi suspecta est uxor, dubii que pudoris,

Non habeas pulchros famulos, pulchros ve sodales

Cum quibus illa domi versetur ; de ciperis nam

[p. 40] Si quemquam fidum credes ; est memo fidelis

In venere ; illa dolis incantos fallere gaudet ;

Fraude paratur amor, veneri gratissima fraus est ;

Sed tua proecipuè non intret limina quisquam

Frater, vel monnehus, vel quasis lege sacerdos.

Hos fuge ; pestis enim nulla est immanior : hi sunt

Fæx hominum, fons stultitiæ, sentina malorum,

Agnorum sub pelle lupi ; mercede colentes,

Non pictate, deum ; falsi sub imagine recti

Decipiunt stolidos, ac religionis in umbrà,

Mille actus vetitos et mille piacula condunt.

Raptores, mæchi, puerorum corruptores,

Luxuriæ atque gulæ famuli, cœlestia vendunt.

Heu ! quas non nugas, quae non miracula fingunt,

Ut vulgus fallunt optatuque præmia carpant ?

Inde superstitio et ludibria plurima manent,

Quæ di, si sapiunt, rident, renuunt que videre.

Non pretio, sed amore, deum vir justus adorat :

Deme autem lycrum, superos et sacra negabunt.

Ergo sibi, non cœlicolis hæc turba ministrat.

Utilitas facit esse deos, quà nempè remotà,

Templa ruent, nec erunt aræ nec Jupiter ullus. »

 

Zodiaqeus vitæ, sig. leonis, pag. 126, vers. 580, Poterd. 1722.

 

5 [p. 51] Cette idée et partie des précédentes ont été saisies et mises en usage dans plusieurs des cahiers des Provinces.

 

6 [p. 58] Il demeure à peu près pour constant que les revenus monastiques forment un objet d’environ deux cents millions, et que les individus qui doivent en jouir, ne s’élèvent pas en 1790, au nombre de plus de trente-quatre mille.

 

 

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Selon édition    L’ANTI-MOINE, / ou / CONSIDÉRATIONS POLITIQUES, / Sur les Moyens et la nécessité d’abolir / LES ORDRES MONASTIQUES / EN FRANCE. / [filet] / Omnis arbor quæ non facit fructum / Bonum excidetur... Math. Cap. 7, v. 18. / [filet] / [vignette : 9 étoiles en losange] / [filet épaissi] / 1790.

 

Publication        [s.l.], 1790, de l’impr. de Savy le jeune.

Description       75 p. in-8°

 

Un exemplaire de cette édition, semble-t-il originale (1790), figure à la Bnf

( Cote : YE-23707, Tolbiac – Rez-de-jardin - Magasin )

 

 

 

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