Éléments
biographiques
concernant Dulaurens
Une étonnante punition
Henri-Joseph aurait été placé dans une cage suspendue
L’impertinence du jeune
Henri-Joseph Laurent laissa quelques traces chez les Trinitaires où l’on n’hésita
pas à le “mettre en cage” pour l’exemple. Henri-Joseph ne pouvait s’empêcher
de défier ses maîtres au cours de sa jeunesse. On peut se demander quelle
était l’utilité d’une telle punition. L’idée semble relever de la
légende mais l’auteur du témoignage, que nous reproduisons ci-dessous, n’a jamais été
suspecté de fabulation : Duthillœul est connu et respecté pour ses
nombreux travaux bibliographiques à Douai.
Reproduction d’après Duthillœul.
Le
jeune Laurent se distinguait déjà chez les Trinitaires « Dès son enfance, il donna les plus belles espérances. De bonne
heure, il entra au collège d’Anchin, où il fit de brillantes
études ; ce collège était alors desservi par les Jésuites, et l’on
ne peut présumer comment il conçut, pendant qu’il suivait leurs
leçons, la profonde inimitié qu’il a gardé contre eux jusqu’à la
fin de ses jours. Dès l’âge de 16 ans, il fut reçu chez les
Trinitaires de Douai, et à 19 ans, le 12 novembre 1727, il était admis
à faire profession comme chanoine régulier dans cette congrégation.
La vivacité de son esprit, l’ardeur de son imagination et le désir
extrême de se distinguer, le portèrent à se livrer tout entier à l’étude
de la théologie et des belles-lettres. Naturellement vain et satirique,
il prenait plaisir à humilier ses confrères, soit en faisant l’étalage
de son esprit et de ses connaissances, soit en rabaissant leurs
qualités et leur savoir. Par ces manœuvres, il concentra sur lui l’animadversion
de toute la maison. Il s’attaqua avec non moins d’ardeur et d’acrimonie
aux Jésuites, et surtout au père Duplessis, leur principal à
Douai ; il s’efforçait surtout de les confondre dans leurs
thèses publiques. D’abord, on ne le soumit qu’à des punitions
communes aux autres religieux, et conformes aux statuts de l’institution ;
mais ces punitions ne pouvant suffire à maîtriser l’âcreté de son
esprit et la fougue de son caractère, on inventa pour lui une punition
particulière. Dans une chambre vaste, au premier du couvent, les
Trinitaires firent établir une cage en bois, séparée des quatre murs
par un espace égal, suspendue au plafond et n’atteignant pas le
sol ; on la garnit d’une couchette et on y enferma Laurens, sans
lui laisser les moyens d’écrire. Il vécut plusieurs mois dans cette
singulière prison. Cependant, de l’intérieur de cette cage volière
il trouvait encore à exercer son esprit facétieux et satirique. Ne
pouvant communiquer qu’avec le frère chargé de ses besoins, il
gravait, au moyen d’un instrument de fer, ses quolibets et ses
épigrammes sur les ais de bois qui composaient sa prison ; l’intérieur
en était entièrement recouvert (1). La juste sévérité dont on usait
envers lui le détermina enfin à demander sa translation dans l’ordre
de Cluni. Une maison de cet ordre lui en ayant refusé l’entrée, il
se rendit à Paris, où il protesta juridiquement contre ce refus. Il
avait dès lors le projet de s’adonner exclusivement aux lettres,
espérant trouver dans leur culture plus de liberté, de tranquillité,
peut-être la gloire et la fortune. Il est probable que ses
protestations ne furent faites que pour la forme et par une sorte de
respect humain, pour ne point paraître jeter sans nulle façon le froc
aux orties. Paris ne lui offrit pas de moyens de fortune ; il
était dans sa destinée d’être malheureux, et son caractère devait
toujours appeler sur lui les persécutions. » (1) Cette cage existait encore en 1790 au couvent des Trinitaires. Nous tenons ces faits d’une personne vivant de nos jours, et qui, chargée par l’administration d’autres travaux aux Trinitaires, avait eu la mission de faire démolir cette cage curieuse.
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[D’après
la publication originale]
Notre texte :
extrait de l’article consacré à Dulaurens par Hippolyte-Romain-Joseph
DUTHILLŒUL, in Galerie Douaisienne, ou biographie des hommes remarquables de
la ville de Douai, article « Laurens », Douai, Adam d'Aubers,
Imprimeur-éditeur, 1844, pp. 167-177. (pages de l’extrait : 167 à 170)
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