Épître dédicatoire extraite de :
Imirce
ou
la
Fille de la Nature
( texte daté
de 1765 )
Reproduction d’après l’édition de 1765.
►
L’orthographe et la ponctuation d’origine ont été respectées. Quelques
« [sic] »
posés çà et là rappelleront au lecteur notre souci d’éviter les fautes de
frappe. Merci de nous pardonner ou de nous signaler celles qui nous auront échappé.
[page
1]
ÉPÎTRE
DEDICATOIRE
A
ZÉPHIRE.
J’étais
sans chausses, sans habits, sans chémises & sans pain, ma chere Zéphire,
quand je composai cet ouvrage. Il y avait à Cleves(1)
Capitale de la Westphalie un Serrurier Français nommé Jérôme. Il logeait chés
son Excellence Madame la Douairiere Fricau(2)
femme pleine d’expérience, qui tenait des lits très mal-sains pour les garçons
[page 2] Serruriers, Ménuisiers & Cordonniers à
cinq liards par tête. Jérôme fut touché de ma misere, il me proposa la moitié
de son grabat, s’accomoda avec l’hôtesse pour deux liards de plus, il me
procura l’avantage de coucher à ses côtés. Monsieur Jérôme le Serrurier
n’était point appétissant ; aux risques de faire beaucoup de tort à
mon ame dans l’autre monde & d’être un peu excommunié dans celui-ci,
j’aurais préféré la couche délicieuse & les côtés recherchés de
Mlle. Hus(3)
M. Jérôme avait le
bonheur d’être dans les bonnes graces de Madame Fricau, elle avait jetté un
coup d’œil de sacrement sur ce Monsieur, digne d’une Duchesse ; aussi
était-il digne de la vieille veuve, qui en sa considération nous avait donné
un coin distingué de son grenier. Je n’avais pas un sol pour avoir de la
chandele ; les modiques journées de mon ami ne lui permettaient point de
fournir à cette dépense, que faire ? j’imaginai, ma chere Zéphire, ce
que tu vas lire.
Mon Hôtesse avoit un gros chat, je fis de la bougie avec le matou.
J’arrangeai en consequence une planche sur ma table où par le méchanisme
artificiel de deux morceaux de [page 3] bois, je fixai la tête du chat à quatre pouces de mon papier, ses
yeux étincelans jettaient une lumiere qui m’éclairait parfaitement.
Le Matou qui n’aimait pas à rendre service, comme les Grands,
s’avisa quelques jours après de fermer l’œil. Il fallut encore récourir
à ma pauvre imagination. La nécessité est la mere des cinq grosses Fermes,
& de l’industrie(4) : je fichai à une petite distance du chat un morceau de bois
d’où pendait une ficelle, au bout une bale de plomb & quand le Matou
s’avisait de fermer les yeux, je lui coignais la bale contre la phisionomie,
ce qui lui fit perdre bientôt la mauvaise habitude de fermer l’œil. Avec un
peu d’exercice, je vins à bout de stiler si parfaitement le chat qu’il
tenait la tête roide & fiere comme un Echevin de Paris qui va en Procession
faire une neuvaine à sainte Genevieve pour avoir de la crote.
Ce fut à la luëur de cette nouvelle bougie, ma chere Zéphire, que je
composait l’ouvra-[page 4]ge que j’apporte à tes genoux. Je l’aurais sans doute perfectionné,
si mon boulanger n’était venu interrompre mes travaux litteraires. Cet homme
éffroyable est un vieux mortel, qui ignore absolument le ton de la bonne
compagnie, ses phrases sont d’une tournure qui ne décelle point le génie créateur ;
c’est un misérable plagiaire qui copie mot pour mot tous les boulangers de
l’univers. Il m’apporte tous les trente jours une feuille périodique, que
je lis avec autant d’humeur que l’Année Litteraire. Juge, ma chere Zéphire,
du ton de ses ouvrages, par la production ci-jointe.
Mémoire
Du Pain fait & fourni
à M. Modeste Tranquille Xan-xung par Maître Honoré Durpetri, Boulanger à la
porte de la Haye à Cleves.
Du I.
Avril 1762.
Liv. S.
L.
Un Pain d’une Livre pâte ferme
0 2 6
Du 3. un
Pain d’une Livre mollet
0 4
Du 7.
deux Pains à Caffé
0 4
Du 10. un Pain de quatre Livres pâte molle
0 9
Du 15. idem
0 9
Du 18. un Pain d’une demi-Livre pâte molle
0 2
Du 20. un Pain de quatre Livres pâte ferme
0 8
Du 25. un Pain de quatre Livres bis blanc
0 6
6
Du 17. un Pain à Caffé
0 2
Du 30. un Pain de deux Livres
0 5
Total 2
12 0
[page 5]
Qu’il est étonnant, ma
chere Zéphire, que les honnètes gens n’aient point de crédit chés les
boulangers ! Le premier de Mai M. Durpetri vint me demander de l’argent
avec le ton d’un homme qui en voulait : je dois donner, me dit-il, une
garniture de blonde à Mde. Durpetri ; dans notre métier, nous sommes
comme les procureurs, nous avons de grands travailleurs chés nous, tandis que
nous n’y sommes pas, on peut mettre la main à la pâte ; Si je ne donne
pas une garniture à Madame Durpetri, mon front sera aussi chaud que notre four ;
il ne faut qu’un moment pour cela, & vous voiés que si ma femme manquait
de vertu, Je serais accablé d’ennui & couvert de honte, à cause que
j’aurais de la vertu tout seul.
Je parlai poliment à M.
Durpetri ; je n’injurie point mes créanciers, c’est un talent réservé
à la Grandeur. Après beaucoup de raisonnemens qui n’aboutissaient à rien,
car je n’avais point d’argent, le boulanger frappé de ma misere & de ma
stupidité, me dit : à quoi diable vous amusés vous à noircir du papier ?
j’aimerais mieux barbouiller des roues de carrosse : un métier qui ne
nourrit pas son homme, ne vaut point le gros son de ma farine ; déchirés
votre plume, laissés les hommes, ne songés pas à les corriger, la plûpart
ont besoin de rester sots pour se [page 6] croire heureux dans ce monde & dans l’autre.
Cet homme me prenant sans
doute pour un Chanoine de Notre Dame, me fit des questions aussi naturelles que
celles qu’on pourrait faire aux lâches Soldats du Pape(5). Mr. me dit il un peu rudement, pourriés vous par hasard remueë le
bras ? Oui assûrément, lui dis-je ! bon, bon, pourriés vous aussi
lever le pied à une certaine hauteur ? oui je trouve cela encore possible.
Eh bien.... allons, levés le bras ! haussés le pied ! je fis l’un
& l’autre ; les ames honnêtes ont de la complaisance pour leurs créanciers.
Non content de ces
questions, M. Durpetri me fit recommencer & répéter cinq à six fois cet
exercice : alors il prit un manche à balai, me fit exécuter toutes les
figures d’un homme qui béche la terre. Satisfait de mes progrès, il me dit :
Bravo, suivés moi & je vous donnerai quittance.
Mon Boulanger me conduisit
dans son jardin & me montrant la terre, il me dit : voici une bonne
mere, elle nourrit tous ses enfans ; caressés-la avec une béche en
remuant simplement vos bras, comme vous avés fait avec le manche du balai ;
le pain ne vous manque-[page 7]ra jamais, & de la vie vous ne devrés rien aux boulangers.
Je travaillai huit jours
dans le jardin de M. Durpetri, le Samedi il me rendit le mémoire quittancé,
& me crachant tout le latin qu’il avait rétenu, il me dit : Disce
puer virtutem, ex me, verumque laborem.
Cette semaine occupée si
utilement, me donna du goût pour le travail. J’admirais la Nature qui avait
pourvu si abondamment aux besoins des hommes en leur fournissant des bras :
frappé de cette attention, je me prosternai à terre & je m’écriai :
ô Providence féconde, que tu aimes les mortels ! comment, je n’ai qu’à
remuër les bras & rien ne manquera désormais à ma félicité ; je
travaillai encore quelques jours chés le boulanger, le hasard me procura la
connaissance d’une Dame française, qui m’offrit vingt arpents d’une terre
inculte & une chaumiere délabrée ; je courus habiter cette paisible
retraite & j’y trouvai ma subsistance. Un libraire d’Amsterdam, qui n’était
point de ces durs libraires Hollandais m’envoïa quelque argent pour acheter
deux vaches, qui fournirent abondament à mes besoins. Enchanté de mon nouvel
état, jaloux de te faire part de mon bonheur, je t’écrivis ma chere Zéphire :
ô doux objet ! que l’univers connaisse ton cœur, il sera toujours plus
cher à mon ame que ta beauté éclatante. [page 8]
Te souvient-il, Zéphire,
du moment fortuné où nos cœurs s’entr’ouvrirent ? une tante avare
& détestable t’appela du fond de la Province à Paris ; son infâme
avarice te sacrifia dès l’âge de quinze ans à l’inepte passion d’un
riche Publicain, ce fermier t’accabla de richesses, de biens & de ses feux
impudens : ton cœur qui n’avait connu que l’innocence, gémissait dans
ses bras coupables ; nous nous trouvâmes par hasard à Versailles, tes
yeux rencontrent les miens, une forte simpathie lia nos ames, l’heure
d’aimer te rendit sensible, tu me donnas ton cœur, tu reçus le mien ;
dans les momens délectables que je passais avec toi, je te parlais sans cesse
des délices de la vie tranquille ; j’osai te la peindre au milieu du
faste & des richesses de tes appartemens. Ces images délicieuses pouvaient
elles s’imprimer dans ton ame ? oui, tu m’aimais, ton goût était le
mien, & tes désirs longtems avant hâtaient l’instant de jouir de ce sort
enchanteur.
Je quittai Paris, où le
fanatisme me poursuivait ; je restai quelque tems chés un peuple dur,
indigne des caresses de la Nature, aussi leur a t elle réfusé ses bienfaits ;
des hommes d’or & de boue, qui ne connaissent d’autres gentillesses que
l’intérêt, peuvent-ils lui appartenir ? je quittai ce païs barbare ;
je vins me fixer sur ces bords isolés, où vingt arpens [page
9] de terre, une
chaumiere obscure, une béche, un ruisseau, font tout mon bien : je t’écrivis,
ô fille aimable ! de venir embellir ce séjour, tu n’y trouveras
d’autre trésor que mon cœur, je ne possederai d’autres richesses que le
tien ; tu baises ma lettre & tu t’arraches à l’instant des bras du
Publicain, tu oublies la vie voluptueuse & inutile de la capitale, tu voles
dans ce coin heureux de la terre où tu dois trouver ton amant & le bonheur.
À cent pas de ma chaumiere tu m’aperçois couvert d’une grosse étoffe,
une béche à la main, cultivant un champ encore ingrat. Je songeais à toi dans
ce moment, je comptais les minutes qui devaient précéder ta lettre ; c’était
le lendemain que je devais la recevoir & tu étais déja arrivée ; tu
sors subitement de ta voiture & malgré la richesse de tes habits, tu te précipites
dans mes bras, tu répands des larmes, ce sont celles de ton cœur, mes levres
reconnaissantes les recueillent sur tes belles joues, je te serre tendrement :
c’est Zéphire & la félicité que je fixais pour toujours dans mes bras.
Tu entres avec joie dans ma
cabane obscure, sa pauvreté ne réfroidit pas tes transports, tu ne cherchais
que mon cœur. La simplicité qui te frappe sous ce toit rustique est celle
d’une ame qui est à toi : tu vois ma garderobe étalée sur un bâton,
une méchan-[page
10]te paire de
souliers, des chausses délabrées, deux chemises, une vieille perruque, qui
dans ses jours naissans n’a jamais bien été qu’à l’air de mes souliers,
quelques livres, une plume mal taillée, des bribbes de papier ; voila les
richesses de ton amant, mais il a ton cœur.
Nous soupons, ô Dieux ! c’est avec Zéphire que je soupe, nous
élevons nos mains pures au ciel, il nous écoute toujours, puisqu’il nous a réunis ;
du pain, des fruits, voilà les nôces que ton amant t’apprête ; je
t’embrasse, nous nous promettons une tendresse éternelle. Le Dieu de la
Nature benit nos saints nœuds. Je te conduis vers une couche que la candeur
habitera désormais avec toi ; deux pieds de bois la soutiennent, un sac
rempli de feuilles seches est le trône tranquille de nos plaisirs, ta tête répose
sur mon sein, tandis que, dans un songe enchanteur je cueille les lis & les
roses que l’Amour a répandu si abondamment sur tes appas.
L’Aurore paraît, elle
t’éveille, tu souris de te rétrouver dans mes bras, un songe t’en avait
assurée ; ton cœur pour la premiere fois est enchanté que tes songes ne
soient plus trompeurs : tu te leves, je vais te montrer nos richesses, ce
sont deux vaches que je remets à tes soins. Nous partons pour la ville voisine,
tu vends tes habits précieux, tu troques les autres contre des vêtemens
simples. [page 11] La magnificence des premiers cachait tes appas, les derniers te les
rendent ; as tu besoin d’autre parure que tes charmes ? je cultive
pour toi d’innocentes fleurs, les vents favorables de Paphos verseront sur
leurs calices le baume & l’encens qu’on offre au Dieu qui nous enflamme ;
que ces bouquets sentiront bon ! ils auront l’odeur délectable de ton cœur ;
douces fleurs ! baume de la Nature ! que vous serés heureuses !
vous ornéres [sic]
le sein délicieux de Zéphire ; ma main vous arrangera autour de son
corset ; semblables à la robe légere du printems, les Zéphirs vous
agiteront, mais son beau sein ne s’agitera que pour moi.
Tu es déja accoutumée
dans ma chaumiere, tu n’as plus de désirs ; nous nous possédons ;
échapée des bras d’un sultan orgueilleux, tu ne gémis plus sur les coussins
d’or de la richesse, tes doigts, qui n’avoient touché que des roses, ne
sont point étonnés de presser les flancs d’une vache pour en extraire le
lait ; j’en goûterai, cet espoir a deja payé tes peines.
Tandis que je suis à défricher
mon champ, tu prépares notre nourriture, à neuf heures tu accours, tu souris,
tu vas me revoir. Dans une corbeille de jonc que nos mains ont formée, tu
m’apportes du pain & des fruits, tu viens me les offrir comme la récompense
de [page 12] mon amour & de mon travail... assis sous l’ombre du même hêtre,
nous mangeons ce pain ensemble, qu’il est savoureux ! c’est Zéphire
qui l’a fait & Zéphire est à mon côté.
Tu retournes à la maison,
en regardant à chaque instant derriere toi, tu marches avec lenteur, jusqu’à
ce que tu m’ais perdu de vue. Le corps nonchalament appuïé sur ma béche mes
yeux suivent tes pas, je te vois encore, je te perds, je te revois, une colline
plus haute te montre encore à mes yeux & te dérobe enfin à mes regards ;
à midi je reverrai Zéphire : cet espoir ranime mes forces, je reprens mon
travail.
Sans le secours de ces
magnifiques babioles qui enrichissent Julien le Roi(6), je t’appris à connaitre le cours d’un Astre que tu redoutais à
Paris. Dans le court espace du tems qui s’envole, nous n’avons que deux
instans qui nous intéressent, le midi & le soir ; momens désirés qui
doivent me ramener dans tes bras ; je t’ai montré que le soleil
paraissait à midi sur le seuil de la porte de notre chaumiere ; que le
soir ses rayons courbés annonçaient le retour de la nuit, mon travail est
l’aiguille d’un cadran qui trace sur mes sillons le tems où je vais te
revoir ; j’avance, je découvre notre demeure & je t’ai déja vue, [page 13] j’arrive, tes bras sont ouverts, Zéphire,
que nous sommes heureux !
Sur un simple tréteau tu
as posé la soupe que tes mains appétissantes ont apprêtée, nous bénissons
le ciel de notre riche médiocrité & de notre amour, le plus grand de ses
bienfaits ; tes charmes assaisonnent les mets que tu me présentes ;
c’est pour nous aimer davantage que nous prénons cette salutaire nourriture.
Le soleil est arrivé au pied du tréteau, c’est le moment qui me rappelle au
travail. Je pars, je suis triste, mes derniers regards restent sur toi, je ne
puis prononcer qu’à ce soir.
Le Soleil change chaque jour le moment de son coucher, ton impatience
compte les minuttes, tu te trompes toujours, c’est pour me rejoindre plus tôt.
Je crois voir ses derniers rayons te ramener à mon champ. De loin J’ai déja
vu une ombre descendre de la colline, je suis ému, je veux m’appuïer sur ma
béche, pour mieux fixer l’objet, m’assurer si c’est toi : tu
aproches, je te reconnais, ma béche tombe, mon travail est fini, mes bras
fatigués s’ouvrent encore ; mais c’est pour les délasser en les
entrelaçant dans les tiens. Je reviens avec toi, nous marchons lentement,
pourquoi cette lenteur Zéphire ? ne souperons nous point ensemble ?
ne serai-je point toujours avec toi ? [page 14]
Un repas frugal est bientôt pris, nous allons dans le bois, tu chantes,
Philomelle qui connait ta voix, te répond déja, il t’attendait, il sait
l’heure où tu viens chanter ; rival tendre il t’accompagne non pour
embellir la douceur de ta voix, mais pour l’ajouter à la sienne ; tu
l’as vaincu, il est glorieux ; tes chants mélodieux ont enyvré mon ame,
le feu de tes accords a remué ma veine, je compose une chanson aussi gaie que
ton cœur ; l’écho la répete, & les bois rétentissent de mes vers
& de nos feux.
Que tu m’intéresses, Zéphire...
tu gémis... je tremble... Dieux quelle pâleur se répand sur ton teint !
la mort... va-t-elle m’ôter la vie avec tes jours... la douleur t’arrache
des cris, que la douceur de tes humides regards veulent rendre moins sensibles
à mon cœur... ciel ! je vais perdre Zéphire.... ô Dieu de la Nature ne
l’as-tu faite si belle & si constante que pour la montrer un instant à ma
flamme... ô jour heureux ! quelle joie ineffable enchante mon ame !
tu viens de mettre au monde un tendre fruit de nos amours, c’est ton image,
j’y reconnais ces traits que ta beauté a gravés dans mon cœur, je
l’embrasse mille fois cette chere fille, c’est Zéphire multipliée...
comment tu n’es plus seule dans mon cœur, tu te plais de voir mon ame partagée,
tu t’applaudis de ces nou-[page 15]veaux sentimens ? Zéphire à ta joie je reconnais une épouse, à
tes soins je reconnais une mere.
Voila chere Zéphire
l’histoire de nos cœurs ; que la simplicité & l’ardeur de nos
jours séreins passent comme les plus longues journées de l’été, pour
revenir encore ! puissions nous les voir ainsi pendant soixante automnes ;
après cet âge finir au premier printems, comme Philemon & Baucis !
ô Bonheur ! ô félicité
que j’ai cherchée si longtems, je ne vous dois pas à Jean Jacques, au sage
Adison, au fol de Paschal, ni au frere Croiset de la Compagnie de Jésus ;
c’est à toi seul que je la dois, brutal Durpetri, dont la voix baroque &
barbare a servi d’organe à la Nature. O mon Boulanger ! ô mes bras que
je vous ai d’obligation ! ô intelligence dans la quelle [sic]
je cherchais mon bonheur, que m’avais tu inspiré ? quel bien-être
pouvais-tu m’offrir dans l’arrangement bizarre de quelques rimes stériles
& ingrates ? l’exil, l’emprisonnement & la haine des sots ont
couronné mes premiers vers.
Chenilles de Versailles, Vers-Luisans de Paris, Gros Limaçons
de province, aurés vous le génie de jalouser mon bonheur ? Vos cœurs,
agités par l’intérêt ou la faveur, le cherchent envain dans ces palais
somptueux, dans ces spectacles puériles [sic]
& dans ces cotteries [page
16] plattes
& tumultueuses : remués vos bras, reflués dans les campagnes ;
c’est dans le cœur de ces hommes rustiques que vous trouverés le bonheur,
raprochés vous de la Nature, répondés à ses vœux, remués vos bras &
vous verrés naître aussitôt le jour de la félicité.
ô Chere Zéphire, c’est
à tes pieds que j’apporte cet ouvrage : je le consacre à tes charmes
& le nom de Zéphire sera pour lui comme l’éclat naissant d’un beau
matin qui annonce une belle journée.
Je suis,
Chere Zéphire,
Erdelthal,
près de Berlin,
Ton Ami
ce I. May
1765.
Modeste Tranquile Xang-xung.
(1) Méchante
Ville très mal propre ; mais ornée des plus magnifiques déhors.
(2) Madame
Fricau était une place qui ne tenait pas longtems l’ennemi. Elle était veuve
d’un Trompette, d’un Fifre, d’un Tambour, d’un Chaudronnier & en
cinquiemes nôces de Jean Triboulé, Sonneur de la Paroisse de Cleves.
(3)
La plus jolie Vierge du théatre Français ; mais la plus médiocre
actrice après la détestable Madame le Kain.
(4) Droit
singulier, imaginé exprès pour décourager les Artistes qui font à Paris avec
quelques onces d’or, un Commerce de tabatieres, d’éventails, de modes &
de colifichets, plus considérable & plus certain que celui de nos Colonies.
Pourquoi engourdir les bras ? taxer les talens ? Dîmer sur
l’habileté & rogner les ailes de l’imagination & de l’industrie ?
(5) J’entends
les Militaires à la Solde de Rome.
(6) Fameux
Horloger.
[Texte original daté de 1765, d’après Frantext.]
Selon l’édition :
IMIRCE,
/ ou / LA FILLE / de la
/ NATURE. / ..... Ut nec pes nec caput uni / Reddatur formæ... Hor.
Art. Poët. / [vignette : buste frisé] / A BERLIN / Chez l’Imprimeur du
Philosophe / de Sans-Souci. / [double filet] / M DCC. LXV.
Publication
A Berlin, chez l’Imprimeur du Philosophe de Sans-Souci, 1765.
Description
In-12, [4-]
378 [1-1 bl.] p. Sans pseudo ni illustration.
Contenu :
- Table des Articles contenus dans cet Ouvrage
- Épître dédicatoire à Zéphire
- Mon Education & celle de ma cousine Sophie ; Préface
- Imirce, ou la Fille de la Nature
- Histoire de Babet
- Histoire de Lucrece
- La Momie de mon Grand-Pere
- Histoire du merveilleux Dressant, Bonze de La Mecque
- Fin tragique d’Ephigenie & du merveilleux Dressant.
Deux
exemplaires (+mf) de cette édition figure à la Bnf
( Cotes :
Y2-9819 et MICROFICHE M-8609, Tolbiac / Rez-de-jardin / Magasin ;
9890,
Tolbiac / Haut de jardin / communication en banque de salle )
L’histoire
d’Imirce numérisée (uniquement Imirce sans les nouvelles
attenantes, éd. 1881)
est
disponible en ligne au département Gallica de la Bnf :
http ://gallica.bnf.fr/
2003-2017
© http://du.laurens.free.fr