“Avis
de l’éditeur” et Chapitre 1er, vol. I :
Le
Compère Mathieu
ou
les Bigarrures de l’Esprit Humain
( texte
daté de 1766 )
Reproduction d’après l’une des éditions de 1766.
►
L’orthographe et la ponctuation d’origine ont été respectées. Quelques
« [sic] »
posés çà et là rappelleront au lecteur notre souci d’éviter les fautes de
frappe. Merci de nous pardonner ou de nous signaler celles qui nous auront échappé.
AVIS
DE
L’EDITEUR.
l
importe fort peu au Public d’apprendre par quel hazard cet Ouvrage m’est
tombé entre les mains. Mais il doit savoir que j’ai été plus de quatre ans
dans l’irrésolution de le mettre au jour. Je puis conter sur une douzaine
d’Amis vertueux & éclairés. Quatre d’entr’eux vouloient que je le
fisse imprimer ; quatre me poussoient à le brûler, & le reste me
disoit d’en faire ce que je jugerois [saut
de page] à
propos. Un coup de [sic] détermina l’affaire : & ce coup fut pour l’impression.
Voici donc cet Ouvrage tel que je l’ai reçu ; non seulement
quant au Texte, mais aussi quant aux Notes, qui sont de différentes mains,
& assez souvent mal en ordre. Si cet Ouvrage est bon, je prie le Lecteur Bénévole
de savoir gré à la Fortune de sa publication : S’il est mauvais, &
qui pis est, méchant, je suis le prémier à joindre ma voix à celle des
Hommes zélés qui le décrieront. [saut de page]
LE
COMPERE
MATHIEU,
OU
les Bigarrures de l’Esprit
Humain.
CHAPITRE
I.
ecteur,
tu vas lire l’Histoire de Mon Compere Mathieu, la mienne, & celle
de quelques autres Personnages fameux par les différentes aventures de leur
vie. Si tu ne t’intéressois qu’au sort de ceux qui, grace aux vertus de
quelques Ancêtres Illustres, portent un Nom Respectable dans le Monde, je te
dirois que nous comptons parmi nos Ayeux des Tancredes & des Bayards :
mais si tu regardes tous les Hommes pêtris du même morceau [page 2]
de boue, & tous également dignes de ton attention, je ne t’en imposerai
pas : je t’avouerai franchement qui nous sommes : je ne te déguiserai
aucun de cette multitude d’événemens singuliers qui nous touchent, &
dont cette Histoire est remplie.
Tu
me reprocheras peut-être qu’il n’y a ni plan ni méthode dans cet Ouvrage ;
que ce n’est qu’une rapsodie d’aventures sans raports, sans liaisons, sans
suites : que mon style est tantôt trop verbeux, tantôt trop laconique ;
tantôt trop égal, tantôt raboteux ; tantôt noble & élevé, tantôt
plat & trivial. – Quant aux deux premiers articles, je te répondrai que
je n’ai pu décrire les événemens dont il est question que dans leur ordre
naturel, ni avec d’autres circonstances que celles qui les ont accompagnés.
Quant à mon style, je l’abandonne à tout ce que tu pourras en penser. J’ai
toujours été un ignorant ; & je le serai vraisemblablement toute ma
vie. [page 3]
Mon compere Mathieu
& moi naquîmes à Domfront, petite ville de Normandie, le
premier dimanche d’août 1709. Son Pere & le mien étoient Cordonniers,
mais de ces Cordonniers aisés qui sans se reposer uniquement sur le revenu du métier,
trouvent, par quelque industrie secrete & particuliere, le moyen de
fournir amplement à la dépense du ménage, & de donner une éducation honnête
à leurs Enfans.
Lorsque
nous eûmes atteint l’âge de 10 ans, nos Parens nous envoyerent chez les Jésuites
de la Flêche pour faire nos études. Le Compere y fit plus de progrès
les six premiers mois que je n’en pus faire en 6 années. Cependant mon Pere
me laissa continuer, estimant que puisque je n’avois aucune disposition aux études,
j’en aurois encore moins aux emplois, aux arts, au travail ; & que
j’en saurois toûjours assez pour être Moine.
Pendant
les neuf années, que nous demeurâmes à La Flêche, le Compere [page
4] Mathieu
fit des progrès étonnans dans le Grec, le Latin, les Mathématiques, l’Histoire,
la Philosophie, la Théologie ; en un mot, dans toutes les Sciences qui
peuvent orner l’esprit, & former le cœur : il donnoit encore une
partie du temps de la récréation ou à la Musique, ou au Dessein, ou à la
lecture des Livres excellens & rares, qu’il se procuroit avec l’argent
que son Pere lui envoyoit pour ses menus plaisirs.
Il y
avoit un Irlandois du cours du Compere, qui ne contribuoit pas peu
à piquer ce dernier de la plus vive émulation. Cet Irlandois, qu’on
nommoit Wiston, aimoit l’étude, s’y appliquoit avec toute l’ardeur
possible, & y faisoit de très-grands progrès : mais le Compere
Mathieu l’emportoit sur son Emule par la vivacité de l’esprit, par la
force de l’imagination, par sa profonde pénétration dans les Sciences ;
ainsi que par la grace & l’adresse du corps dans les Exercices auxquels
ils s’adonnoient l’un & l’autre. En revanche, l’Irlan-[page
5]dois
passoit chez les Jésuites & ses Condisciples pour avoir le cœur
bon, l’esprit solide, le caractere sociable & docile ; & il
s’en falloit beaucoup que l’on pensat de même sur le compte du Compere :
sa vivacité, sa naïveté, ses saillies, ses opinions, sa fermeté, lui avoient
attiré beaucoup d’ennemis : les Régens, qu’il contredisoit à
tout propos, n’en étoient pas les moindres, & surtout le Préfet,
qu’il avoit convaincu d’avoir cité à faux dans un Sermon. Enfin
trois choses acheverent de le perdre dans l’esprit de ses Maîtres : 1°
il se moqua ouvertement de certaines pratiques pieuses auxquelles Wiston
s’accommodoit, ou par foiblesse, ou par bienséance ; 2° il ne voulut
plus répondre aux Litanies ; 3° il fit un Enfant, (a) dont je fus
le Parrain. En conséquence de ses crimes, on le chassa. Comme j’aimois mon Compere,
je partis avec lui.
(a) Le Lecteur saura que c’est là l’origine de notre compérage.
[Texte
original daté de 1766, d’après Frantext.]
Selon
l’édition : LE
/ COMPERE / MATHIEU, / OU / LES BIGARRURES / DE / L’ESPRIT HUMAIN. / [filet] /
Tout ce qui est au dessus de l’intelligence du / vulgaire est à ses yeux, ou
sacré, ou pro- / phane, ou abominable. / Tom. I. pag. 298. / [filet] / TOME
PREMIER / [filet] / [fleuron] / A LONDRES, / Aux Dépens de la
Compagnie. / [double filet] / M. DCC. LXVI.
Publication A
Londres, Aux Dépens de la Compagnie, 3 vol. in 8°, 1766 (a).
Description
3 vol. in-8°
Contenu
Tome I : 1 p. de titre [1 bl.] 2 p.
Avertissement + 400 p. ([chap. 1er] : « LECTEUR, tu
vas lire l’His- / toire de Mon Compere Mat- / hieu… »)
Tome II : 1 p. de titre [1 bl.] + 434 p. ([chap. 1er] :
« DIEGO avoit assez parlé pour/ prendre un nouveau restau- / rant :
aussi… »)
Tome III : 1 p. de titre [1 bl.] + ? p.
([chap. 1er] : « J’EUS à peine reconnu le / Révérend
que je me jettai / à… »)
Un
exemplaire de cette édition (a) figure à la BM de Châlons-en-Champagne
( Cote :
Gt 4829-1, -2 et –3, ancien Garinet )
Un
exemplaire d’une autre édition de la même année (b) figure à la Bibl. Méjanes
d’Aix en provence
( Cote :
C. 5172, Impr. 1500-1900 )
L’intégralité
du texte numérisé (chapitres sans notes uniquement, éd. 1831)
est
disponible en ligne au département Gallica de la Bnf :
http://gallica.bnf.fr/
2003-2017
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