Le Balai (Résumé)
par
l’abbé H.-J. Dulaurens
(1761)
Résumé
d’après l’édition originale de 1761, Constantinople, impr. du Mouphti,
In-12.
ÉPITRE
A l’AUTEUR DE LA PUCELLE
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Résumé de l’ÉPITRE A l’AUTEUR DE LA PUCELLE :
La sagesse serait
un manche à Balai tombé du ciel et brisé en mille allumettes que les hommes
s’arrachent comme la vérité. Chacun étant persuadé d’en détenir la
part essentielle, ces hommes tentent depuis des siècles d’écraser ceux qui
prétendent les concurrencer. Les Jésuites notamment, comparés aux
sauterelles de la plaie d’Égypte, s’érigent en maîtres du Balai dont le
pouvoir les autoriserait à jouir « des sueurs & du sang de ceux
qui travaillent & qui sont plus sages. »
Nous douterions
de l’existence de ce fameux manche à Balai si les dames n’en étaient
religieusement les détentrices affirmées. « S’il faut
nécessairement de la bonne foi dans ce monde pour être trompé, qu’il est
galant de croire aux jolies femmes ! »
L’usage voulant
qu’un auteur parle de lui dans toute épître dédicatoire, le nôtre se
présente natif de Pékin. Grand voyageur baptisé à Douai à 16 ans et amant
dès le lendemain d’une adorable poétesse, Modeste-Tranquille s’attira
les foudres des pères jésuites et choisit un exil volontaire à
Constantinople où il réside désormais. Coursier à la grande mosquée, il
se propose de favoriser l’envoi de vos éventuels paquets personnels à la
condition « que vous agrérez pour tel usage qu’il vous plaira, le
Poëme qu[‘il a] l’honneur de vous dédier. »
Votre Admirateur,
Modeste-Tranquille
XAN-XUNG
A Constantinople,
de
la Lune de
ma
femme, le 3.
Le
Poëte doit être sage :
Pour
ses vers, il importe peu ;
Il
n’aurait ni grace, ni jeu,
Sans
un air de libertinage.
Modeste-Tranquille
eut le bonheur de découvrir le Balai porté en procession lors de son
arrivée à Constantinople. Un père Capucin enrageait alors à la vue d’un
tel « scandale » mais n’osait intervenir, ce qui ne serait sans
doute pas le cas des jésuites qui, animés du même sentiment, se rueraient
dès que possible sur l’auteur du poème ci-dessous.
Par crainte de
représailles et pour ne point froisser les « honnêtes gens », l’auteur
a préféré rédiger ce poème hors de France. La raison en est que si Mahomet
peut être joué avec succès sur le théâtre français, la même pièce
souffrirait quelques ennuis sur le théâtre de Constantinople. Ce qui prouve
« fort bien qu’une partie du monde se moque de l’autre. » Le
respect envers son grand-père, digne ascendant de notre auteur par sa
lucidité ainsi que bon conseiller, a également forcé sa décision.
Vingt-deux jours
auront suffi à la rédaction, par nécessité alimentaire. Cela ne devrait
toutefois pas gâter l’accueil favorable d’un public compréhensif. En
outre, un ami boulanger de célèbre ascendance ayant trouvé l’œuvre tout
à fait à son goût, Modeste-Tranquille « espere que le Public unira
ses suffrages à celui du petit-fils du grand Pierre Bagnolet, qui a été
chanté si long-temps. »
Résumé du
BALAI :
Dans le couvent de Sin, les nonnes vivent selon des règles
ancestrales dont l’une consiste à ranger l’unique balai, au manche
évocateur, toujours dans le même coin. Lorsqu’une novice décide de
perturber cette habitude et jette le balai dans un fleuve, contestant ainsi l’autorité
des anciennes, le scandale n’ébranle pas le seul couvent mais aussi l’Église
et les Cieux. Nombreuses sont alors les aventures, sur fond d’inconduites et
de péchés de chair, suscitées par la restauration de l’ordre en religion.
Le dénouement, heureux, sera pour le moins immoral.
Chant
premier :
La
Moinerie, montée sur un Balai, apporte dans la nuit un Reliquaire à sœur
Ursule.
Le poète
invoque sa muse : « Puisse le Dieu qui préside à ta lyre, / Unir
sa voix à mes timides chants, / Et me prêter ta grâce & tes accents ! »
Dans le triste couvent de Sin, d’immémoriales habitudes garantissaient
entre autres le rangement d’un balai en un endroit précis. Cependant, la
jeune sœur Ursule, aux lectures impies et aux rancœurs montantes, allait
bientôt être corrompue par un moine diabolique, s’infiltrant dès
l’aurore dans la cellule de l’innocente. Ursule endormie est alors dévêtue,
son sein s’offre à la vue ; c’est dans ce demi-sommeil que le moine
sournois insuffle à la jeune fille quelque idée pernicieuse contre les
anciennes. S’en référant à l’épisode Girard/Cadière, le moine
encourage la jeune sœur à se révolter et bousculer les habitudes du
couvent. Ursule s’éveille, l’ombre du moine disparaît.
Chant
II :
Réveil
d’Ursule. Alarmes des vieilles Sœurs sur l’indisposition du P. Directeur.
Histoire de l’Homme de Dieu. Complot des jeunes Sœurs pour enlever le
Balai.
À peine
réveillée, Ursule remercie le Seigneur de préserver sa virginité lorsque
quelqu’un frappe à la porte du couvent. À l’aurore, ce fait inattendu
déclenche une peur panique chez les nonnes qui croient à une alerte pour
incendie. L’incident n’est en fait qu’une légère indisposition du
prêtre Directeur. Ses protégées le voient déjà à l’agonie…
La muse nous
rappelle la bonne conduite de cet homme qui, pour contrer tout éventuel
démon, alla jusqu’à monter un manche carré au balai. Si des mauvaises
langues, par le passé, ont sali son honneur, la médisance ne concernait que
sa nièce. Hormis quelques faiblesses excusables, notamment la paternité de
deux enfants à sa suivante, le bon père était irréprochable.
Les sœurs, fort
alarmées, cherchent cependant mille causes ainsi qu’un remède à l’incident :
ainsi la gouvernante aurait mal fait le lit et toutes les potions seraient les
bienvenues. Dans l’agitation, des propos piquants fusent et Ursule fomente
une rébellion dont le sort du balai sera le symbole. Ursule brandit comme
signe de Dieu un reliquaire évoquant l’histoire de Girard et la Cadière.
Les jeunes nonnes s’apprêtent au défi mais Ursule les tient jusqu’au
soir.
Chant
III :
L’Allégresse
va trouver l’Amour. Le Dieu va trouver un chat aux Jacobins. Terreur des
Nonnes : le Balai est enlevé.
Le soir même, la
troupe rebelle des jeunes religieuses traverse le couvent à la lumière d’un
flambeau. Désespérée, l’Allégresse vole à Cythère y quérir l’Amour
auquel elle expose ses craintes au sujet de Sin. L’Amour consent à
intervenir et vole vers Douai. Sous les traits du défunt frère George, le
dieu se présente au chaste et irréprochable Robin auquel il suggère qu’il
serait bien le dernier en religion à conserver son pucelage : l’Amour
lui suggère une jeune vierge du couvent. Convaincu, Robin se rend à Sin.
La jeune
religieuse s’adonne à quelque plaisir innocent lorsque Robin lui apparaît
et lui déclare éloquemment sa flamme. Alors que la belle s’apprêtait à
lui céder, la troupe des nonnes menées par Ursule fait irruption. Dans une
allégorie féline, Robin le fourbe effraie la troupe (castratrice selon
lui) ; les nonnes se dispersent en dépit des appels d’Ursule. La jeune
promise enjoint Robin à la fuite et lui donne rendez-vous pour la nuit
suivante en un lieu extérieur.
Ursule invective
ses consœurs qui n’auraient eu peur que d’un chat, et chacune de s’en
indigner. À grand renforts de références mythologiques, l’instigatrice s’empare
du balai comme emblème du soulèvement. Ursule jette le balai dans une
rivière et le maudit : son geste est un défi à l’institution des
anciennes qui ne découvriront le forfait que le lendemain.
Chant
IV :
Chapitre
des Nonnes. Chaque Sœur vient dire sa coulpe. Torticolis parait dans le
Chapitre. Alarmes des Nonnes. On députe à la Mere Abbesse.
Au petit matin,
les sœurs encore ensommeillées entament leurs premiers exercices. Commence
alors la confession publique de chacune sous la présidence de la prieure.
L’une aurait
sauté quelques versets lors de la prière, Jeanne-monique a triché sur sa
part d’œuf à la coque, sœur Jeanne s’interroge avec nostalgie sur l’obligation
chasteté, une autre voit des phallus en rêve, sœur Saint-Brice aurait sonné
l’office avec distraction, sœur Jeanne de la Croix avoue ses tentations de
boudin… C’est alors que le démon Torticolis investit le chapitre,
haranguant les vieilles sœurs. Il révèle la disparition du balai et somme l’assistance
de relever l’outrage puis il s’envole. Les sœurs âgées s’indignent et
se fâchent : la réputation du couvent est en jeu, l’enlèvement du
balai porte atteinte au respect des anciennes. L’on reproche aux jeunes
rebelles leurs lectures ; les anciennes délèguent sœur Compresse auprès
de la mère abbesse.
Chant
V :
Description
du Palais de Madame l’Abbesse. Ambassade de sœur Compresse. L’arrivée du
Directeur. Accident du Pere. Indication du grand Chapitre pour le Balai.
À l’écart du
couvent, l’habitation de l’abbesse bénéficie de tous les fastes
décoratifs du moment. Les effigies de saint Crépin et de sainte Thérèse
inspirent le discours de l’homme à Dieu sur les dilemmes de la chasteté
tandis que mille jeux picturaux en hommage à la Bible portent les pensées à
l’amour. C’est en ce lieu suggestif qu’avance la très âgée sœur
Compresse.
La sœur informe
l’abbesse du crime : le balai n’est plus en sa place. Sœur Écoute
vient alors annoncer le rétablissement miraculeux du Directeur. Les
anciennes, à la grille, s’extasient de cette guérison et louent la vertu
du Directeur ainsi que la sagesse des ans. Mère Jubilaire conte les attraits
de son ancienne jeunesse, ce qui termine de ranimer le saint homme ; les
sœurs comblent le Directeur de douceurs et confiseries.
Soudain, avalant
son chocolat de travers, le saint homme se met à tousser ! Paniquées, l’on
déboutonne l’habit du père qui, toutefois, se remet de l’épreuve. Enfin
rétabli, le Directeur entend la mésaventure du balai et décide d’un
sermon auprès des nonnes.
Chant
VI :
Sermon
du Pere Directeur sur le trou du néant, le trou du péché, & le trou du
monde. Premier point.
Dans le jardin d’Eden,
Ève écoute le discours du serpent. Ève raisonne et ne trouve nul motif à
la frustration dont elle et Adam font l’objet.
Le père, en
habit de cérémonie, annonce de sa chaire son prêche qui portera sur la
misère issue des trois vieux trous originels. Ainsi, dans le trou du néant,
naquirent Adam et Ève, qui mordit la pomme et engendra la convoitise à
laquelle les hommes tentèrent de remédier par le sacrement du mariage. Le
trou du néant est donc devenu celui du péché mais à la question insoluble
“Pourquoi une telle rancune ?”, la seule réponse trouvée à ce jour
est le salut des jeunes filles dans l’obscurité des couvents. Et pourtant,
cette perspective demeure injuste.
Chant
VII :
Continuation
du Sermon. Second Point. Le trou du monde.
Comme l’autorise
l’usage et le veut la coutume, l’orateur prend le temps de se moucher et
de cracher abondamment avant de reprendre son sermon.
Le trou du monde,
jadis celui du jardin d’Éden, est donc désormais celui du péché :
ainsi, le tourment de l’amour et ses désirs volages harcèle le pécheur
jusque dans sa languissante vieillesse. C’est dans ce trou, entre
l’orgueil et la cruauté, que le démon « Tourne & vous croque un
tendron comme un rien » ; c’est là que Salomon succombe au
charme de « huit mille cotillons ». La tentation sévit partout :
le prêcheur lui-même avoue ses faiblesses et conjure les sœurs de renoncer
au vice en se cachant et priant car l’Église renferme tant de pécheurs et
d’occasions de succomber.
La mère abbesse perd alors patience et interrompt le discours : « les trous ne manquent point aux filles, / Nous en avons, père, assez dans nos grilles ».
Chant
VIII :
Le
P. Girard monté sur un Balai va trouver Ursule ; frayeur de la Nonne.
Girard la conduit au Temple de la Moinerie.
La nuit
venue, le spectre du moine Girard, jadis corrupteur de la jeune Cadière,
descend de l’hémisphère nord, chevauchant un balai. Ses intentions
perverses portent vers la fière mais encore innocente Ursule dont il vient
envoûter le sommeil de ses discours enjôleurs. Bien que cela ne soit pas sa
mission première, Girard profite de son statut onirique pour convaincre
Ursule de se laisser embrasser : « Je suis défunt : jamais
les revenants / N’ont fait ici de cocus ni d’enfants. » Il révèle
ensuite le motif de sa venue : conforter Ursule dans sa rébellion et
pour ce faire, il se propose de l’emmener sur son balai afin de quérir le
secours d’un ascète qui appuiera la révolte des jeunes nonnes.
S’il n’eût
été une ombre, Girard aurait sans doute succombé aux charmes d’Ursule
mais seule la Cadière occupera ses dernières pensées.
Les deux
complices s’envolent dans la nuit.
Chant
IX :
Girard
& Ursule s’arrêtent à Paris. Spectacle du Boulevard. Leur passage à
Rome. Ils arrivent au Temple de la Moinerie.
« Sur le
Balai, Girard & sa compagne » survolent Paris et le Louvre,
entendent Fréron, Trublet ou Chaumeix, plus loin Marmontel ou l’abbé
Arnaud, le cardinal de Bernis, Gresset, mademoiselle Clairon, Rousseau, Piron,
l’abbé de Lattaignant, le chevalier de Laurès, Crébillon fils, etc…
chacun étant prétexte à une appréciation du narrateur.
Les deux
voyageurs traversent la France et l’Italie, atteignent Rome où brillèrent
jadis les grands hommes des premiers siècles, auxquels la chrétienté a eu
l’avantage de succéder. Pure et belle à sa naissance, « Son cœur brûlait
des feux du saint esprit. / Son innocence était son seul habit ».
Girard se lamente de la « pompe profane » qui règne aujourd’hui
en ces lieux qu’il préfère fuir au plus vite « car l’inquisition /
Eût séquestré le critique en prison » et arrive enfin en terre Thébaïde.
Chant
X :
Description
du Temple de la Moinerie. Histoire des Fondateurs d’Ordre. Départ de Girard
& d’Ursule.
Girard et Ursule
arrivent au temple lugubre d’une moinerie lâche et pernicieuse. L’Hypocrisie
reçoit Ursule et la fait patienter, tant les querelles internes délibérées
ici suscitent de longs débats. Girard et Ursule parcourent alors ces lieux
où ils croisent saint Pacôme, fondateur des premiers monastères et faiseur
de paniers percés ; saint François, fondateur des Capucins et sculpteur
d’une femme de neige ; saint Bernard et Nostradamus, s’entretenant de
prédictions et de recettes aux œufs ; saint Dominique, inventeur du
rosaire et qui « Fit égorger trente mille Albigeois », Robert d’Abrissel,
fondateur de Fontevrault et grand résistant à la tentation ; de La
Mathe, fondateur de l’ordre des mathurins ; le père Ignace de Loyola,
avec lequel Girard s’entretient des faiblesses amoureuses. L’Hypocrisie
enfin annonce aux deux pèlerins qu’ils peuvent être reçus au temple où l’austère
moinerie les attend.
Ursule expose
devant la “déesse” moinerie ses griefs contre l’autorité des anciennes
du couvent. L’exposé irrite l’institution qui recommande le respect des
anciens et des coutumes en concluant ses propos d’un obscur anathème. Les
deux voyageurs rentrent à Douai.
Chant
XI :
Les
Jésuites saisissent la guerre du Balai, pour chasser le Directeur. Un ange
descend à St. Médard. Discours de l’ange à Saint Paris. Le Diacre va
trouver Jeanne Porte-latin, servante du Directeur.
Au couvent de
Sin, la sévérité du directeur déplaît aux novices : leur seule
distraction, le parloir, leur est vivement déconseillée. Le jésuite Arnaud
suspecte ce directeur (janséniste) d’intentions malhonnêtes envers les
jeunes nonnes et le fait démettre de sa fonction. Or, le bon ange du
jansénisme arrive à Saint-Médard où il interpelle le défunt saint
Paris ; l’ange défend sa cause et dénigre les partisans de Loyola
dont, selon lui, « Dieu veut tirer vengeance ». L’ange souhaite
corrompre le jésuite Arnaud par les charmes de sa chambrière afin que brille
le jansénisme. Saint Paris s’empare d’un char et vole vers Douai,
« la ville aux sept merveilles ». Près du couvent de Sin, le
saint trouve Jeanne Porte-latin, servante du directeur, encore ensommeillée.
Il couvre de son propre mouchoir l’innocente nudité de la servante,
attendant son réveil pour l’entretenir.
Chant
XII :
Les
saints amours de Jeanne Porte-latin, ses combats. La victoire de frere Elie.
La muse nous
conte l’histoire de Jeanne, fille d’un pasteur et pucelle jusqu’à
treize ans. Sa tante Suzanne, vouée à l’Église au point de mettre au
monde « le germe De vingt curés », s’occupa de son éducation.
Jeanne eut de nombreux prétendants mais ne céda point aux attraits de l’argent :
de grands seigneurs furent éconduits. De même, elle ne se laissa séduire
par aucun beau parleur. Ce fut le jeune Carme Élie qui, par ses déclarations
enflammées, captiva la jeune fille.
Troublée,
fautive en pensée, Jeanne tenta de résister à ce jeune homme porteur de
l’habit sacré mais malgré son héroïsme, elle succombe aux avances :
« La toile tombe, & Jeanne est sans honneur ». Leurs jeux
amoureux furent alors si abondants que pour absoudre le Carme, « un prêtre
sur ses doigts / Devait souvent calculer ses rosaires ».
Chant
XIII :
Suite
des amours de Jeanne Porte-latin. La honte de Carmel.
Malgré la
prodigalité de leurs amours, Jeanne ne donna naissance à aucun petit saint.
Un prieur obtint alors de la très compréhensive Suzanne (la tante) qu’elle
fît rompre la relation de sa nièce afin d’éviter le déshonneur du
couvent. Jeanne est ainsi placée chez deux chanoines dont elle apprécie la
disponibilité par rapport aux gens du peuple. Toujours stérile, Jeanne passa
ensuite au service d’un seigneur, qui l’ennuya, puis chez un curé, qui
l’apprécia : « Pour un curé, pareille gouvernante / Est un trésor.
Souvent une innocente, / En concevant, embarrasse un pasteur. » Le
couple fut heureux mais, hélas, le curé mourut. De désespoir, Jeanne se
consola dans les bras de nombreux prétendants avant d’être recueillie par
le Directeur de Sin. « Pendant trois ans ce couple infatigable, / Epoux
au lit, indifférent à table, / Sua beaucoup, & le tout fut envain :
/ Le Directeur ne put pas faire un Saint. »
Chant
XIV :
Paris
éveille Jeanne. Vénus & l’Amour viennent la parer. Combat de la
Chambriere & du P. Girard. Chûte d’Ursule.
Paris
éveille Jeanne en lui annonçant l’arrivée de Girard et d’Ursule dont la
mission est de déchoir le vénérable Directeur. Le saint demande à Jeanne
de séduire Girard, « objet de vos amours », pour la gloire du
jansénisme. Maladroit dans ses conseils, Paris obtient l’aide de Vénus et
de l’Amour qui descendent des cieux afin d’embellir la jeune femme.
« Le feu charmant qui nuit à la pudeur, / Etincelait dans les yeux de
Jeannette » à qui Vénus prodigua ses conseils avisés : « L’homme
est créé pour sentir la faiblesse, / Et sa raison pour sourire aux plaisirs.
/ De vos amans remplissez les desirs ». Puis, Vénus et l’Amour
disparaissent. Jeanne et Paris s’envolent à leur tour et, dans les airs,
aperçoivent « les ennemis ». Désireux de piéger Girard, Paris
prépare Jeanne à l’affrontement et se réfugie sous son jupon.
Ébloui, Girard voit la Cadière en Jeanne et se rue sur elle mais la jeune femme se refuse. Il la saisit alors lâchement par derrière. Girard, le fourbe, allait parvenir à ses fins « Quand soulevant le jupon féminin, / Au-lieu d’un cul il apperçut un saint ! » Dès lors, Paris le menace, lui et son ordre, des foudres divines, prônant l’allégorie du Balai qui restera à sa place. Girard disparaît dans l’effroi. Jeanne et Paris atteignent Douai alors qu’Ursule, au loin, toujours perchée sur son balai, prise dans une tempête soudaine, se retrouve désarçonnée et dévêtue dans les airs. Sa chute libre au cœur de la nuit, guidés sans doute par l’amour, la mène droit dans le lit de son Directeur qui s’en félicite.
Chant
XV :
Ursule
perd sa fleur. Arrivée de Jeanne ; la rage de cette fille. Apparition de
Marie à la Coque.
Comme dans tout
bon roman, Ursule, encore vierge et malgré ses fausses résistances, connaît
enfin l’amour. « Aussi brûlant qu’Hercule », le Directeur
comble sa protégée plusieurs fois dans la nuit ; épuisé, il ne peut
plus répondre aux désirs de sa belle. Ainsi changent les cœurs :
Jeanne, au contraire, s’était faite pudeur.
De retour chez le
fameux Directeur, Jeanne découvre Ursule dans son lit. Effondrée, Jeanne en
pleurs accuse son Directeur de l’avoir trahie. À Ursule, elle reproche son
penchant révélé pour le sexe, égratignant au passage les forces
retrouvées du vieil homme. Le Directeur se met alors en colère contre sa
servante, laquelle se précipite en furie sur le lit qu’elle entraîne dans
sa chute. Jeanne met alors à nu le Directeur et Ursule, confirmant le forfait
lorsque soudain un spectre fait irruption dans la chambrée.
Chant
XVI :
La
paix des Amants. Discours merveilleux de Sœur Marie A la Coque. Ursule rentre
dans son couvent.
Le fantôme est
celui de Marie à la Coque (sic), qui s’émeut de la scène et invoque les
jours vertueux. Son indulgence préfère cependant ne voir que l’innocence
et la faiblesse. Marie à la Coque demande à Jeanne de pardonner. Dans cet
élan de paix, le Balai lui-même devrait reprendre sa place. Ainsi doit l’emporter
la raison, alors que s’en égarent tant d’autres religions. Et Marie à la
Coque de faire l’autocritique du catholicisme, lui-même tant de fois
égaré… Sous l’Inquisition, sœur Marie eut risqué le bûcher pour ses
vers.
Au
lever du jour, Ursule rentre en son couvent, empruntant le chemin où le
Directeur « dans sa belle jeunesse, / Avait marché maintefois
sourdement ».
Chant
XVII :
Grand
Chapitre pour le Balai. Bataille des Nonnes. Siege de la Sacristie.
C’est dans les
grands esprits que se reconnaît Dieu, et non dans la caricature de ses
serviteurs officiels. Ainsi, la mère abbesse « n’avait point le cœur
tendre. » Comme à l’accoutumée pour toute réprimande, elle fit
sonner le tocsin redouté des sœurs qui, chacune, se mit à invoquer son
protecteur.
Le
“Tribunal” des anciennes siégeait dans le chapitre. « Un vieux
Balai, du Chapitre chassé / Par les complots de trente fanatiques, /
Honteusement fait rougir nos rubriques. » À ce chef d’accusation,
suivent les jérémiades des anciennes. Ursule, qui s’indigne de tant
d’affaire pour un rien, interpelle l’abbesse qu’elle convie à plus de
tolérance, imageant son discours d’un « Néron est mort, & Titus
vit encore. » L’abbesse n’en retient que l’horrible nom de Néron.
Révoltée, Ursule lance alors les hostilités. L’assaut réciproque fait
rage : Ursule se mue en Méduse ; l’échauffourée tourne à la
bataille de Titans, effrayant jusqu’aux dieux de l’Olympe. Le bataillon
des vieilles gagne la sacristie. Mettant en pièces les accessoires de culte,
les deux camps ne veulent point céder. Les champs de Mars ou de Lawfeld
n’en furent par moins enflammés. Jusqu’à mère Élise qui, d’un
chandelier au passé diabolique, fit des exploits ravageurs. Ce n’est alors
qu’au vu des dégâts matériels que les anciennes proposent la paix, concédée
après épuisement par la troupe d’Ursule.
Chant
XVIII :
Les
vœux d’un Saint Abbé pour la paix. L’Amour & Hebé lui apportent une
boîte mystérieuse. On l’envoye chez les Nonnes. La Guerre est finie.
Un vieil abbé,
chantre des amours clandestins qu’il partageait depuis longtemps avec sœur
Conception, se désole de cette guerre du Balai. Descendant des cieux, l’Amour
envoie chez cet abbé la sœur de Flore, Hébé, sous les traits d’Héloïse.
La déesse donne à l’abbé une boîte de « quarante deux
outils » pour rétablir l’amour. Le brave homme reçoit la consigne de
remettre cette boîte à la grille du cloître à destination des quarante
nonnes et de l’abbesse (qui aura droit à deux pièces). Les outils, que l’on
n’ose citer que par périphrase, sont des godemichés. L’abbé joint un
mot à l’attention des sœurs, assurant qu’elles trouveraient là
meilleurs partis que leur manche à balai. La mère abbesse ouvre alors ce
paquet, à la grande joie des sœurs qui reçoivent chacune leur dû au titre
de la réconciliation. Des cris de joie fusent, le Balai est oublié, la guerre est
finie.
Ainsi, de la
Troie antique au couvent de Sin, l’image du Balai est celle de la discorde.
Peu importe les foudres de l’index ! Que la muse Églée rende ces
vers plaisants.
[Texte
original daté de 1761]
Résumé
d’après l’édition :
LE
BALAI. / POËME / HEROÏ-COMIQUE / EN XVIII. CHANTS. / [filet] / Jupiter è
Cœlo ridet perjuria vatum. / [filet] / [fleuron : fruits et feuilles
avec 1 seule tige en tire-bouchon sur la gauche] / A CONSTANTINOPLE, / De l’Imprimerie
du Mouphti. / M. DCC. LXI.
Publication
1761, Constantinople [Amsterdam]
Description
In-12, [XXIV] 216 p.
Note
Très probablement l’original, imprimé et diffusé par contrebande
sous le contrôle de l’auteur. Il existe au moins une contrefaçon in-8° de
la même année. (cf. thèse de M. Pascau, à Pau, 2005)
Un
exemplaire de cette édition originale figure à la BM de Grenoble
( Cote :
E.21782 Rés., CGA )
Un
autre exemplaire de cette édition originale figure à la BM (B.S.B.) de
Munich
( Rem.IV
1478 ; dok.-typ : m )
2003-2017
© http://du.laurens.free.fr